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Prisonnier de Sassou : Paulin Makaya

politique
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Incarcéré  injustement depuis Octobre 2015, voici Paulin Makaya, l’une des victimes de l’arbitraire d’un tyran.

Ces extraits de sa lettre de démission, adressée à l’époque à Bernard Kolélas, permettent aisément de mieux cerner  le personnage.

Des convictions chevillées au corps, l’homme ne recule devant rien.

"...Lettre de Démission

Monsieur le Président,

Après une année d’observation, de patience, de méditation et surtout par respect pour la mémoire de maman jacqueline Mounzénzé, mama Ngoundi, femme de paix, femme d’amour et femme de caractère qui n’a ménagé aucun effort pour la recherche de la paix véritable et pour l’instauration de l’unité nationale dans notre pays ; une année qui m’a permis, par mon silence, de témoigner à l’illustre disparue ma profonde gratitude, et de lui rendre un vibrant hommage, je me permets aujourd’hui de vous adresser cette lettre.

Monsieur le Président, jeune étudiant en 1991, au lieu de choisir le chemin de tribalisme et du séparatisme régional en intégrant le parti de mes parents, l’UPADS, j’avais plutôt, au péril de ma vie, jeté mon dévolu sur le MCDDI qui représentait pour moi le symbole du changement, le parti de l’avenir et surtout le reflet de votre noble combat ; le combat pour l’instauration d’une véritable démocratie, pour la restauration de l’unité nationale, pour la symbiose intercommunautaire, pour la défense des droits de l’homme, pour le sens du partage, bref pour le développement intégral de l’homme.
Monsieur le Président, le MCDDI représentait effectivement l’âme et l’espoir de notre peuple opprimé pendant les années de monopartisme, des années PCT, un parti auquel je n’avais jamais adhéré, parce que représentant la source de la misère et du malheur de notre peuple. C’est ici l’occasion de vous dire que je resterai toujours un produit pur et dur sorti des entrailles du Kolelisme, une philosophie qui n’accepte jamais la compromission politique, et qui , de ce fait, avait redonné au sacré tout sont sens, amenant le peuple congolais que vous incarniez véritablement le changement.

Monsieur le Président, je voudrais vous exprimer toute ma reconnaissance pour l’occasion que vous m’avez offerte de passer auprès de vous seize ans d’apprentissage et de confirmation politique, qui m’ont permis de gravir des échelons politiques de notre parti où j’ai été tour à tour Membre du Comité National du MCDDI, Membre du Bureau Exécutif National de la jeunesse du MCDDI(JMCDDI), Chargé des Question juvéniles et Acticités Productives, Membre du Bureau Exécutif National du MCDDI, Chargé de la Culture de Paix et de l’Unité Nationale, Conseiller spécial, commissaire politique des pays du Niari et Chef de votre cabinet en exil.

Durant toutes ces années, je n’ai ménagé aucun effort afin d’apporter ma pierre à l’édifice de ce beau bijoux, le MCDDI, sacrifiant toute ma jeunesse à cette tâche, pendant que les autres jeunes de mon âge se livrait aux distractions de leur époque. C’est dire, Monsieur le Président, que j’avais pris le parti d’être toujours à vos côtés pour apprendre, pour rêver avec vous, et, enfin, aider à faire de vous le président d’un Congo prospère et uni.
Monsieur le Président, ensemble, au Congo, nous avons connu des hauts et des bas, et plus tard les affres de l’exil. Plusieurs de nos frères sont morts : Nsomi et ses compagnons – lors de la marche du 30 Novembre 1992 – qui croyaient défendre la constitution du 15 Mars 1992 que notre allié de l’époque, Sassou Nguesso, abrogera après sa prise de pouvoir par les armes en 1997 ; Herbert Massamba, mort brulé vif, aujourd’hui sans tombe; Pepin kingouda mon frère, coupé en morceau parce qu’il portait sur lui votre effigie. Souvenons-nous aussi de ces frères que nous avions envoyés dans le Pool pour soi – disant soutenir la lutte pour la libération de notre peuple, des disparus du Beach, de ces villages brûlés de ces femmes violées, de ces hommes qui ont perdu la vie parce qu’ils croyaient à notre idéal, et de ces congolais qui croupissent aujourd’hui dans la misère la plus absolue à cause de leur appartenance au MCDDI.

Monsieur le Président, je vous ai toujours témoigné ma fidélité. J’ai toujours été attaché aux idéaux du parti, même dans les moments les plus difficiles de notre combat en exil. Des moments où il n’y avait parfois personne autour de vous, sinon moi - même et deux autres compagnons à qui je rends hommage en passant. Tous les trois nous vous avions, par exemple, sorti du piège de nos adversaires, à Cotonou au Benin, le 27 Décembre 1999. Tout seul, je pris sur moi la responsabilité de vous accompagner à Bamako, au Mali parce que vous ne vouliez pas que d’autres collaborateurs se joignent à vous. Selon vous la lutte avait changé de physionomie. J’étais devenu votre cuisinier, votre agent de sécurité, votre blanchisseur, votre secrétaire particulier, votre Directeur de cabinet. Nous nous étions mis au travail sans argent, rien qu’avec notre détermination, à nous deux, inquiétant le pouvoir putschiste de Brazzaville qui pensait avoir eu raison de nous. Et, se sentant en difficulté, ce pouvoir pris l’habitude de nous envoyer des délégations (des Blancs, des Noirs, des Rouges) avec les propositions mielleuses que nous avions toujours rejetées.

Aujourd’hui, Monsieur le Président, je ne vous reconnais plus, Vous le défenseur de la cause des opprimés. Vous êtes devenu l’ombre de vous-même, politiquement inerte prenant le beau prétexte de vous cacher derrière « le leba tsombe niékissa lembo ». Pourquoi, Monsieur le Président, avions – nous fait tant de mort, tant de veuve, tant d’orphelin, tant de personnes brisées à vie si c’est pour accepter aujourd’hui ce que nous avions refusé au nom de notre idéal ?

Monsieur le Président, je suis par nature indépendant d’esprit. Par conséquent, j’adhère à une dynamique par conviction. Je ne pourrais donc jamais accepter qu’on impose au congolais un mode de pensée unique. Pour cette raison, je ne reculerai jamais devant ce principe : la liberté passe par le respect des lois qu’on s’est soi – même fixées. Pour cela, mieux vaut mourir dans la dignité que de vivre dans le ridicule de la lâcheté. Le Congo Brazzaville n’est pas la Propriété du président Sassou. Ce dernier devrait être au service du pays comme le seront d’autres personnes après lui.

Monsieur le Président, je vous écris le coeur meurtri par ces morts qui ont eu le tort d’être en désaccord avec le Président Sassou. Pour leur mémoire, je ne me permettrais jamais d’être cette fissure sur laquelle nos bourreaux d’hier vont s’appuyer pour laver leur mauvaise conscience. S’agissant de mes anciens compagnons qui se partagent aujourd’hui des circonscriptions électorales pour devenir des « députés », au profit d’un pouvoir gravement discrédité et qui cherche un souffle nouveau, je leur souhaite bonne chance. L’histoire, notre justicier, nous jugera et nous révélera le moment venu, les dimensions tâchées de notre lutte en exil. Je suis loin d’être un extrémiste comme vous le dites. Je suis plutôt un partisan du bon sens et de la clairvoyance. Je suis un gardien des valeurs que nous défendions ensemble. Dialoguer pour moi ne signifie pas céder, se compromettre. Dialoguer pour moi, aujourd’hui, c’est aider le pays à retrouver son équilibre moral, social, politique et économique. Indemniser les victimes des guerres civiles, construire une stèle en mémoire des martyres de nos conflits sanglants, lutter pour la mise en place d’une commission électorale indépendante et pour l’organisation d’un véritable procès sur les disparus du Beach, mettre tout en oeuvre pour donner un sépulcre décent aux compagnons tombés au champ d’honneur, comme Herbert Massamba dont les restes doivent être retrouvés, voila quelques priorités qui pourraient nous réconcilier avec notre base. Il est écrit qu’on peut tromper une partie du peuple tout le temps, qu’on peut tromper un certain temps le peuple, mais qu’on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps.

En conséquence, Monsieur le Président, ayant le sentiment d’avoir accompli ma mission auprès de vous, et ne pouvant accepter toutes ces trahisons et ces humiliations, j’ai décidé de vous quitter et de démissionner de votre parti, le MCDDI. Libre de tout engagement à partir aujourd’hui, 12 janvier 2007, je me sens soulagé du remords que je n’ai cessé d’avoir ces derniers temps, celui de prendre part à la trahison d’un peuple qui a souffert et qui souffre encore aujourd’hui parce qu’il a cru à notre idéal, l’idéal pour la construction d’un Congo démocratique, libre, uni et prospère.
J’ai dit.

Veuillez agréer, Monsieur le Président l’expression de mes sentiments les plus distingués.

Fait à Londres, le 12 janvier 2007

Paulin Makaya
Témoin de l’histoire,
Ancien Membre du Comité National,
Ancien Membre du Bureau Exécutif National MCDDI,
Ancien Directeur de cabinet du Président du MCDDI,
Ancien Conseiller Spécial, Commissaire Politique des pays du Niari,
Ancien Membre du Bureau Exécutif National de la JMCDDI.
Ampliation :
Présidence MCDDI " ( copié du mur de " JPC JPC )

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