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Le magma congolais gronde

politique
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Tribune libre

L’opposition congolaise, étant sagement rentrée chez elle après le méga meeting, oubliant de bien verrouiller les accès de passage, Sassou s’apprête à annoncer au monde entier la date de la tenue de son référendum qu’il fixera, selon toute vraisemblance pour le 25 octobre 2015. Le prochain conseil ministériel devant se tenir dans les prochaines heures, devrait l’officialiser. Sassou accélère.

L’opposition congolaise dispose donc quelques heures devant elle pour mettre en place sa riposte et de lancer son mot d’ordre très attendu par les populations.

Longtemps les temps furent durs. A présent, l’heure est grave et l’instant crucial. Mais avant de transmettre les pouvoirs souverains à un digne fils du pays, il est essentiel que les congolais les récupèrent d’abord des mains de la dictature. Un peuple en lutte n’est jamais assuré de la victoire d’entrée de jeu, mais il convient d’admettre que celui qui ne lutte pas, a déjà perdu.

Aux turpitudes de Sassou, une réponse populaire historique lui a été adressée ce dimanche 27 septembre 2015. Mais elle s’avère insuffisante, le pouvoir de Brazzaville étant sourd, par définition. Ce raz-de-marée aux allures de sérieux avertissement, ne relève à ses yeux et à ceux de ses courtisans, qu’à des aboiements de chiens dans un concert messianique saoulés par l’« obamalatrie » !

Poussé par les faucons du régime, le chef de l’Etat congolais, ivre de son pouvoir vieux en diable, avance poitrine bombée mais tête baissée. Quelques heures à peine après le méga meeting rassemblant des centaines de milliers de personnes hostiles à sa réforme constitutionnelle, comme par défi, il a mis en place la commission devant réécrire la nouvelle mouture de « sa nouvelle constitution » lui permettant de ne plus quitter le pouvoir.

Il convient de rappeler que la Constitution congolaise aura déjà été changée ou modifiée une quinzaine de fois dont près d’une dizaine de fois sous Sassou !

La réforme constitutionnelle est détournée en Afrique et singulièrement au Congo à des fins de conservation de pouvoir et d’esquive des questions de fond relatives à la gestion de la cité, au vivre ensemble régulièrement mis à mal et au développement pourtant atteignable en quelques années.

Fait nouveau, la réforme constitutionnelle actuelle voulue, à tue-tête par Sassou, ne devrait servir, en réalité, que de rempart, face à la perspective judiciaire implicitement annoncée. Se blottir derrière la République en la déconstruisant afin d’espérer échapper à son sort personnel est une perversion des Institutions lourdement punissable. Ce fâcheux paradoxe est insupportable tant la République prône, recommande et impose le respect de la chose publique.

En répandant ce brouillard de réforme constitutionnelle inopportune dans le pays, les dirigeants espèrent ainsi éviter la question de leur désastreux bilan et surtout celle liée à la mauvaise gouvernance du pays truffée de crimes et énigmes. « Sassouffit ! Le pays n’appartient pas aux Nguesso … » rétorque en masse la population.

Le drame du président congolais c’est de simuler le jeu démocratique et de ne point disposer d’une bonne grille de lecture de sa politique indigeste qui révulse tant ses compatriotes.

Sa fausse vision, héritée des considérations coloniales, de vouloir voir en ces vaillants manifestants de cette fin de saison sèche sur le boulevard Raoul, comme des éternels infantilisés danseurs du ndombolo et du coupé décalé endiablés est affligeant et en dit long. Il le leur en a servi, à pleins tubes, gratuitement aux coins des rues. Mais ces derniers ont préféré hurler leur colère par centaines de milliers au boulevard.

Les leaders de l’opposition congolaise, eux aussi, doivent absolument se hisser à la hauteur des attentes d’un peuple déjà sur les starting-blocks, au risque de se voir eux-mêmes aussi balayer par les bourrasques de la révolte qu’annonce la météo politique congolaise. Des initiatives beaucoup plus convaincantes, visant la réduction des velléités du pouvoir de Brazzaville lui indiquant définitivement la porte de sortie, sont impatiemment attendues.

Le magma congolais gronde sourdement. Il est impérieux de canaliser cette colère bien perceptible dont l’ampleur dépasse, visiblement, toutes les prévisions des observateurs qui, eux, n’ont cessé de voir les congolais que sous l’angle de la docilité d’un peuple échaudé par les guerres à répétitions.

Infoutu de constater l’imminence d’un mouvement insurrectionnel, Sassou n’a toujours pas abandonné ses croyances et sa foi en la force de sa soldatesque. Alors, il procède, semble-t-il, au recrutement des supplétifs de l’armée couramment appelés miliciens, comme il y a quelques années.

Effroyablement, son ennemi n’est rien d’autre que le peuple, dépositaire souverain du pouvoir. En cela, Sassou part perdant d’avance, car nul ne peut s’autoriser à souiller impunément la volonté d’un peuple, laquelle s’apparente une volonté divine.

Hélas, du haut de ses 72 ans et de sa bagatelle 32 ans de règne insatiables, l’homme entreprend un honteux slalom vecteur d’instabilité inspirant le dégout. En cas d’échec, il pourrait se voir, à ne point en douter, pourchasser dans les rues. La vraisemblance d’une telle perspective est maximale tant l’exaspération est considérable dans le pays.

Qui mieux que la jeunesse congolaise dans ses composantes les plus prometteuses mais délaissées à savoir les élèves, étudiants, chômeurs et diplômés sans emplois, qui mieux que cette frange de la jeunesse constituant la grande honte du régime pudiquement désignée par les enfants de rue, qui mieux que leurs ainés essorés par la misère dans un environnement hautement insalubre, qui mieux que ces jeunes allant et venant sans but précis à longueur de journée, qui mieux que leurs parents n’ayant jamais émargé à un quelconque bureau de solde, qui mieux que ces orphelins errant dans les détritus, et qui mieux que quiconque peut souhaiter la énième « reconduction » du système Sassou ?

Abraham Avellan WASSIAMA

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