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Le Covid-19 et la dictature

Congo B
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Depuis le onzième siècle, les épidémies ont toujours été des occasions pour repenser l’urbanité. En effet, c’est dans les villes, généralement, que l’impact épidémiologique se manifeste gravement. Le COVID-19 qui se diffuse partout dans le monde malmène les certitudes des « sachant » et montre notre interdépendance ; petits ou grands, pauvres ou riches de tous les continents. Mais il pointe surtout la vulnérabilité de l’humanité intimant l’ordre de repenser notre société.

Le contexte contraignant imposé par cette maladie au Congo-Brazzaville représente une réelle claque infligée à l’omnipotent président congolais et à son clan, ainsi qu’à l’inopérante opposition tant il révèle leur nullité découlant de l’outrageant tribalisme exacerbé et leur manque coupable de réel projet de société sans parler de la mauvaise gouvernance.

Dans ce pays où les exécutions extrajudiciaires sont légion, où les querelles électorales débouchent sur des guerres artificielles et où les hôpitaux s’apparentent à des mouroirs, seules les victimes du COVID-19 sont comptabilisées. Actuellement, le compteur coronarien vient de franchir le seuil de deux cents cas.

Il est du devoir des autorités politiques et sanitaires de sensibiliser la population afin de réussir une telle démarche visant à sortir, à moindre frais, de cette pandémie. Plutôt que de malmener les citoyens, le gouvernement devrait s’appuyer davantage sur les élus, les maires, les chefs de quartiers, les chefs de blocs, des autorités susceptibles de faire prendre conscience aux congolais la réalité du danger de ce virus.

L’une des principales raisons de l’échec de ce confinement intégral tient au fait qu’il concerne une population affamée. Mangeant à leur faim, les responsables politico-militaires usent de la violence en molestant les ventres vides. Sans succès.

A la manière du chef de comptoir colonial qu’il a toujours été, face à la pandémie qui ravage la planète, Sassou s’est résolu à confiner ses congénères et surtout à déverser toute la rhétorique parisienne sans en changer le moindre mot. Sans discernement. A vrai dire, l’enjeu pour le pouvoir de Brazzaville consistait à afficher d’emblée un profil du bon élève, histoire de bénéficier des subsides promis par l’Occident pour la lutte contre la pandémie.

Ici, les gens redoutent davantage les effets du confinement intégral que le virus lui-même. Vivant, au jour le jour, de l’économie informelle, et habitant dans des pièces surpeuplées au confort spartiate, les congolais s’interrogent sur le fait que les autorités les sollicitent, eux qui vivent chichement et par la grâce de Dieu.

Si l’intérêt de ces mesures de confinement face à cette pandémie demeure théoriquement évident, son utilité réelle se situe, hélas, dans les enjeux de conservation de pouvoir. Étrangler la population puis desserrer l’étau fait passer injustement la dictature pour un régime plein d’humanité.

L’instrumentalisation des institutions étatiques et la mise à sac de ces derniers ont rendu l’Etat moribond. Son effondrement l’a précipité dans les bras d’une mafia clanique, incarnée par ceux qui devaient avoir pour mission de le servir. Résultat : le pays, surendetté, est ruiné et est proche de la banqueroute.

Tour à tour, les fossoyeurs de la République rivalisent de pseudo générosité financée paradoxalement avec le butin de leur pillage. C’est là que l’insolite apparaît dans sa forme la plus absurde. La transformation du gouvernement congolais en généreux donateur du même gouvernement, histoire afin d’aider financièrement ce même gouvernement, traduit la paralysie d’un exécutif devenu bourreau du peuple. Au Congo, le gouvernement aide le gouvernement !

La présidence de la République a, semble-t-il, lui-aussi, le cœur sur la main. Il s’inscrit comme étant le meilleur donateur privé du gouvernement. En clair, ayant fait main basse sur les richesses du Congo et confisqué les libertés des citoyens, les serviteurs véreux de l’Etat sont devenus l’Etat lui-même.

Mais, pendant que le monde entier lutte contre le COVID-19, les dissensions liées à la succession de Sassou font rage au sein du clan. Elles sont dorénavant étalées au grand jour. Les héritiers craignent le retour de flamme de l’autocrate, redoutant de subir le sort du général Dabira. Pour éviter de tomber en disgrâce et afin de resserrer les rangs, ils tentent leur manœuvre classique de diversion, par la dénonciation d’un imaginaire putsch venu du Pool, une région que Sassou exècre de manière congénitale.

Les images sur cet article ne sont pas de Mwinda

Victimes de leurs sentiments refoulés, ces hommes insensibles n’ont pour boussole que l’effusion de sang. C’est ainsi qu’ils déploient leur arsenal de bataille, leur force publique s’en prenant aux citoyens plutôt qu’au virus à combattre. Au Congo-Brazzaville, en réalité les faucons du pouvoir se fichent de la pandémie du Covid-19. L’important pour eux, comme dans le film le Titanic ce n’est pas le naufrage annoncé mais les intrigues annonciatrices de la prochaine guerre, avec des boucs émissaires connus.

Présentement, plutôt que de se mettre aux côtés du peuple en lutte contre le COVID-19, l’armée congolaise fait ce qu’elle sait faire de plus criminel : pourchasser les citoyens dans le Pool. Goma Tsé-tsé suffoque et crie à l’aide, en ce moment. Des voix s’élèvent pour dénoncer ce qu’il s’y passe. Un autre génocide va-t-il se succéder au précédent génocide ?

Lassé de l’arbitraire, du tribalisme et de la corruption, le peuple congolais attend autre chose que les tueries dans le Pool. Mais en quelle langue faut-il le dire ?

Dès qu’il s’agit de rendre les comptes ou de présenter tout simplement un quelconque bilan, le pouvoir se cabre et dresse son méchant regard vers le Pool qu’il exècre. C’est ainsi que cette région se trouve constamment confrontée à des situations de guerres artificielles où l’adversaire est tout aussi artificiel que l’ennemi préfabriqué.

La pratique de la violence au Congo par le régime de Sassou est chronique et périodique avec, en toile de fond, la conservation du pouvoir. C’est par ce biais que le pouvoir de Brazzaville masque son bilan calamiteux. Peut-on tromper les populations tout le temps ?

Partout ailleurs, ce virus marque une bascule vers un monde nouveau et oblige les autorités à repenser et à réorganiser leur société. Cependant, la dictature a d’autres rapports à la vie, que le bien-être des populations.

La mise à nu de l’échec du régime par ce coronavirus fait tanguer ce bateau ivre dépourvu de cap. L’issue de ce mandat, plutôt inutile, acquis par la force de l’épée et au prix de la confiscation des libertés pourrait s’accompagner de la fin du régime, pour le grand bien du peuple congolais.

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