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Coronavirus : courage, fuyons !

Congo B
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La démondialisation, c’est l’autre face de la mondialisation. Nul ne pouvait imaginer qu’en quelques jours les frontières du monde entier se fermeraient sans délai. Le COVID-19 vient frapper à toutes les portes. La peur et l’anxiété s’entremêlent. Soudain, l’on découvre l’importance des circuits-courts.

Nos dictateurs qui ont l’habitude de s’envoler en Europe pour aller se prélasser et se soigner, se sentent subitement en danger. Une menace sanitaire contre laquelle ils se découvrent impuissants. AIors, ils redoutent l’heure des comptes. Seconde menace.

Chaque jour, les congolais quittent les villes par grappes entières pour les campagnes qu’ils avaient désertées. Le pays, lui, n’est-il pas en train de devenir un piège à dictateur, en cas de remous ou de maladie ? Les avions ne décollent plus !

Mais, il est inutile de se préoccuper du sort d’un dictateur alors que la vie des gens ordinaires se caractérise par le confinement au quotidien dans des locaux surpeuplés et quartiers insalubres. L’entassement des populations étranglées par les conséquences d’une absence de politique publique et sanitaire viable défie ces mesures de confinement.

robinet

Pour une fois, Sassou pourrait être confronté à une vraie guerre. Pendant des décennies, les congolais ont connu et subi des guerres artificielles à répétition. Emmuré dans un mutisme comme s’il voulait faire le dos rond, l’homme a fini par se montrer. Le COVID-19 l’a obligé à sortir de sa pénombre de mille et une nuits d’Oyo.

Des guerres artificielles, il en a orchestrées et livrées. Mais le gouvernement congolais qui se disait gouvernement de combat a-t-il véritablement les moyens de livrer cette bataille sanitaire ô combien salutaire ? Certes, la catastrophe est mondiale. Les chiffres des décès et personnes en réanimation sont effrayants, en Europe. Chaque pays publie ses macabres chiffres chaque jour.

En matière de publication des chiffres, il convient de se méfier de ceux que le gouvernement congolais publie. En effet, adepte de l’opacité et des déclarations péremptoires, Brazzaville ne dérogera point à ses habitudes de truquer les chiffres à de fins de manipulation tant de l’opinion nationale qu’internationale.

En effet, les 200 millions débloqués à l’occasion de la crise ont déjà disparu, sans laisser de trace, tant au parlement qu’au trésor public ! Quid du pétrole découvert à Oyo qui demeure, à ce jour, sans suite ?

Depuis quelques décennies, le Congo est exsangue, quasiment à l’arrêt. Des salaires impayés, les deniers publics dilapidés, les patrimoines étatiques détournés… La production locale ayant quasiment disparu, les congolais se nourrissent habituellement des denrées importées souvent hors de prix.

Dans ce contexte, les mesures sanitaires annoncées, pourtant si évidentes sous d’autres cieux, posent d’énormes problèmes d’exécution au Congo. Ici, il s’agit, ni plus ni moins, des fonds fictifs pour des entreprises fictives. Brasser du vent afin d’endormir l’opinion et ceux qui seraient tentés de se soulever.

Un habitant de poto-poto, joint au téléphone, fait remarquer que pour que ces mesures soient efficaces, il faut aller à contre-courant en demandant aux populations de quitter leurs habitations ! La rue répondrait mieux, selon lui, aux recommandations du moment. Avez-vous vu l’état de nos sanitaires ? Poursuit-il. On y vit à plusieurs au jour le jour grâce à l’article 15 : « débrouille-toi pour vivre ».

Appliquer la distanciation sociale dans des quartiers où la promiscuité tutoie l’indécence au mépris de l’intimité personnelle relève de la fiction. L’accès à l’eau demeurant un rêve, celle qui coule rarement des robinets étant souillée, les gestes d’hygiène recommandées ne sont guère, hélas, pas à la portée des citoyens.

Oui, il faut se laver les mains… Mais nos dirigeants doivent aussi laver leurs cœurs.

La capitale Brazzaville dispose-t-elle ne serait-ce que de trois lits de réanimation ? L’unique vrai hôpital, plutôt vide, se trouve égoïstement excentré à Oyo, village natal de Sassou, situé à des centaines de kilomètres de la capitale. Alors, Brazza sent la mort arriver.

Une fois de plus, les congolais, et plus largement les africains, se tournent vers la Providence, pendant que leurs dirigeants se verront, sans doute, remorquer par la communauté internationale toujours prompte à sauver les bourreaux des peuples.

La solidarité qui nous permettait de résister, se heurte aujourd’hui à son paradoxe. Être seul pour être ensemble plus tard. Mais dans cette société où l’isolement constitue l’antichambre de la mort, la responsabilité individuelle qui préfigure la conscience collective contredit les schémas et stratégies de survie au profit des réflexes dictés par l’instinct.

Après avoir apeuré la population, Sassou a de nouveau disparu. Mais où est donc l’Etat ? Le Congo-Brazzaville, d’ordinaire un enfer sur terre où la débrouille assure la survie aux plus dégourdis, voit un nouveau calvaire se surajouter à la catastrophe. Cette crise sanitaire pourrait bien se transformer en une tragédie sociale et politique

La manière de lutter contre une guerre diffère selon les continents. En Occident, on se confine. La rhétorique occidentale sur la guerre reprise opportunément par Sassou, dans ce contexte coronarien, ne peut donc atteindre le résultat escompté. C’est la guerre, alors fuyons !

En effet, en Afrique sub-saharienne, on ne se confine pas pour une guerre ; mais pour une tempête. En temps de guerres, auxquelles les autorités ont habitué les congolais, la pratique c’est de se jeter sur les routes avec les baluchons sur la tête puis se disperser dans les campagnes et forêts, pendant que d’autres boivent leur bière chaude. D’où l’exode des citadins.

Ayant perçu les risques d’une implosion sociale dont la flambée des prix constitue le premier indice, la République Démocratique du Congo a renvoyé sine die ces mesures de confinement contre le coronavirus. Advienne que pourra. Il n’y a plus qu’à croiser les doigts et à espérer que les organismes africains, gavés de nivaquine ou de chloroquine à cause du paludisme, résisteront mieux à la pandémie que ceux des continents à climat tempéré.

Aussi longtemps que les autorités congolaises des deux rives ne comprendront pas que les deux villes n’en forment qu’une, et qu’il est de leur devoir de travailler ensemble, cette catastrophe pourrait déboucher sur une hécatombe.

Abraham Avellan WASSIAMA

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