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Congo-Covid-19 : le réveil douloureux de l’élite politique et administrative

Congo B
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Avec la propagation du coronavirus, les politiciens et les classes sociales plus ou moins aisées du Congo découvrent une réalité connue du bas peuple : la faillite du système sanitaire dû au manque d’investissements dans les infrastructures hospitalières. 

En effet, plus de trois décennies environ, et ce malgré d’énormes rentrées financières engrangées grâce à la vente du pétrole, le clan au pouvoir a complètement délaissé son système de santé. Le pays a fait toutes les folies possibles et imaginables telles que prêter des dizaines ou centaines de milliards à des pays plus nantis comme que la Cote d’Ivoire. Le pays s’était même offert le luxe de venir en aide à une localité de la Chine, la préfecture de Yushu, secouée par un tremblement de terre.

L’élite politique et dans une certaine mesure tous les membres de la haute administration étaient assurés qu’en cas de problème sanitaire grave, il y avait la possibilité de se faire soigner dans les meilleurs hôpitaux des pays européens.

Dans leur esprit, la politique sanitaire pouvait reposer sur un paradigme à la fois complaisant et cynique pouvant se résumer de la manière suivante : « On ne s’embête pas à investir dans le système sanitaire. En cas de problèmes graves nécessitant des soins de santé complexes, ceux qui ont des connexions avec le monde politique se feront évacuer en Europe où ils recevront les meilleurs soins du monde et ce à la charge du Trésor public. Les autres, majoritaires dans la population, pourront se contenter des structures locales mal loties comme le mouroir de Brazzaville pompeusement appelé CHU (centre hospitalier universitaire) et surnommé CH-Tue, du fait qu’on en sort rarement vivant si on y entre avec une pathologie lourde ». L’élite du pays était satisfaite d’entretenir ce système d’accès inégalitaire aux soins de santé.

C’est cette politique abominable que tout le monde a accepté pendant longtemps puisqu’il n’y a aucun moyen de forcer les autorités gouvernementales à investir dans la priorité qu’est la santé.

Chambre

Une chambre des malades au CHU de Brazzavle

D’autres pays africains, conscients de la faiblesse de leurs structures sanitaires ont opté de sortir de l’absurdité de cette politique qui consiste à engloutir une part importante des finances publiques pour soigner une minorité à l’étranger tout en laissant la majorité des citoyens mourir à cause de pathologies maîtrisables.

Le Niger, par exemple, a inauguré en avril 2019 le deuxième grand hôpital de référence bien doté en équipements modernes après celui de Niamey en 2016, et a interdit par le biais d’une loi toute évacuation sanitaire sauf dans les cas où ces grands hôpitaux ne pouvaient pas faire face à la situation.

Le président du Bénin a aussi annoncé en 2019 la suspension des évacuations sanitaires de complaisance afin de faire des économies qui à terme allaient permettre de doter les hôpitaux du Bénin des équipements modernes afin de soigner la majorité de ses citoyens. Lors de cette annonce il s’est étonné que certains citoyens mouraient dans le pays à défaut de payer des sommes dérisoires alors que le pays dépensait des sommes astronomiques pour d’autres, qui n’avaient besoin que de soulager quelque douleur.

Cette tendance d’une prise de conscience visant à mettre en place une politique sanitaire cohérente et en adéquation avec les besoins du pays, est en opposition flagrante avec la politique menée au Congo, laquelle privilégie encore les évacuations sanitaires des nantis à la charge du Trésor public.

En juin 2019, le parlement congolais a même signé un accord de partenariat avec l’hôpital américain situé à Neuilly-sur- Seine, l’établissement hospitalier le plus cher de France. Même si les détails de cet accord de partenariat n’ont pas été divulgués, il est facile d’imaginer quel en est le coût. 

 Aujourd’hui, avec la foudroyante pandémie du coronavirus, tous les grands pays occidentaux ont fermé leurs frontières, mettant ainsi à mal les fondements de la politique sanitaire de notre pays. Tout le monde, les nantis et les pauvres doivent dépendre des mêmes structures sanitaires au pays et doivent tous faire face au dénuement des hôpitaux. Avec un peu de cynisme on pourrait dire le covid-19 est en train de faire du nivellement par le bas.

La faillite du système sanitaire au Congo est pourtant connue de longue date de tout le monde. L’ancienne directrice du CHU Gisèle Marie-Gabrielle Amberio fut limogée en juillet 2017 pour avoir tiré la sonnette d’alarme en écrivant une lettre ouverte au président de la République. Elle dénonçait alors le « fonctionnement inadéquat » du CHU et l’existence d’un « réseau mafieux qui vole, pille, désoriente … » au sein de cet établissement.

 

Avec son vieux scanner qui fonctionne rarement, ses ascenseurs souvent en panne, obligeant le transport à dos d’hommes des malades entre différents étages, une méthode d’un autre âge, la surpopulation des salles d’hospitalisation, le manque de matériel basique comme les gants, le CHU cristallise la faillite du système de santé du pays.  Il était alors normal que la directrice de cet établissement en parle au président. En vain. 

Après son départ de la direction de ce mouroir congolais, cette dame a été remplacée par un expatrié, ressortissant canadien, qui visiblement peine à renverser la tendance.  Il y a quelques jours, sur les réseaux sociaux, des personnels de santé de cet hôpital s’alarmaient, de vive voix, sur le dénuement de l’établissement et faisaient part de leur désarroi, indiquant que des médecins et infirmiers non formés à la menace du covid-19, n’avaient qu’une seule option : fuir et abandonner les patients pour sauver leur propre vie.   Une vraie débandade que le porte-parole du gouvernement a qualifié d’ « incident ».

Les autorités congolaises ont du reste suspendu en pleine crise, le Docteur Mombouli, directeur général du Laboratoire national de santé publique (LNSP) et donc un des personnages clé de la réponse au Covid. Il aurait refusé de grossier les chiffres des malades de la pandémie puisque dans certains cercles, il s’agirait là une fois de plus d’une occasion de recevoir des subsides de l’étranger dans la période de difficultés financières que le pays traverse. Bref un remake de l’histoire de la préservation des tourbières de la Cuvette contre des gigantesques gisements fantômes de pétrole…

Hopital lucie bongo

Materiel ultra moderne de l'Hopial Général Edith Lucie Bongo Ondimba d'Oyo

Quoiqu’il en soit, dans les conditions actuelles de sous-investissement dans le secteur de la santé, qui pourrait blâmer les médecins s’ils venaient à démissionner de leur noble tâche de soigner les patients ? Dans ce pays, les médecins, du reste sous-payés, n’ont jamais été écoutés. Pourquoi devraient-ils être en première ligne dans la lutte contre cet ennemi invisible qui fait des ravages ? Dans le même temps, le seul homme à qui on peut imputer la faillite du système s’est mis à l’abri, prêt à recevoir les services du seul hôpital du pays qu’il a planqué près de son village natal, et qu’il a baptisé du nom de sa fille défunte.   Hormis son apparition pour étaler des platitudes et des solutions inadaptées au contexte du pays, toute son implication en matière de santé publique se résume aux promesses non réalisées. Il avait commencé avec le pompeux slogan de « santé pour tous d’ici à l’an 2000 ». Et, comme si cela n’était pas suffisant comme arnaque, il a remis une couche avec son histoire de douze hôpitaux généraux, à raison d’un hôpital général dans chaque département du Congo.  Au moment de cette promesse il était conscient que le pays était surendetté et qu’il n’y avait aucune chance de réaliser ne fut-ce que la moitié de cette promesse. Quel cynisme !

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