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Alphonse Souchlaty Poaty, ancien Premier ministre, tire au bazooka sur le dictateur infatigable

politique
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C’est une charge dont la brutalité est inédite que vient de sonner l’ancien Premier ministre de Sassou sur le " dictateur infatigable ". Les langues commencent-elles à se délier ?

En tout cas, dans une très longue interview accordée à notre confrère « Afrique Education » Alphonse Souchlaty Poaty canonne sans retenue sur Sassou. Attention aux balles perdues !

 Extraits

 

La détermination morbide de Sassou Nguesso de vouloir se maintenir à la tête du Congo, sous des lois nouvelles, taillées à sa mesure, à quelques mois de la fin de son mandat et de l’élection d’un autre président, est un acte d’incivisme, de rupture de serment et de forfaiture qui correspond à troubler l’ordre public et la paix. C’est donc bien lui Sassou, en chair et en os, dont on connaît le machiavélisme destructeur, qui veut troubler l’ordre public et personne d’autre. Qu’on se le dise et qu’on ne se fasse pas leurrer ! (…)

 

En effet, pour remonter 46 ans en arrière avec la prise de pouvoir par Marien Ngouabi, il faut dire que Sassou Nguesso joua, à la tête des jeunes officiers du Nord, le rôle d’aiguillon inspirateur de la direction sensiblement régionaliste que prit le CNR. Marien n’avait pas a priori de penchant sur le pouvoir politique. Tout intrépide qu’il fût sur le plan militaire, il ne maîtrisait pas les rouages et les subtilités de l’Etat et se serait volontiers cantonné à la tête de l’Armée. Mais Sassou Nguesso l’en persuada dans l’optique du pouvoir Nord, au point de suggérer l’acte fondamental octroyé du 1er janvier 1969, qui fut le premier du genre en Afrique, rappelant à s’y méprendre l’acte additionnel aux constitutions de l’Empire d’inspiration monarchiste de Napoléon Bonaparte de retour de l’Ile d’Elbe. Sassou Nguesso qui en 1969 vit d’un mauvais œil les velléités de Marien de laisser le pouvoir aux civils n’était pas moins réservé de l’allant que commençait à prendre le commandant Raoul Alfred à la primature puis au Conseil d’Etat. Aussi, fut-il le principal protagoniste de la Constitution du 31 décembre 1969 proclamant la République populaire du Congo à la suite de laquelle Marien fut nommé chef de l’Etat.

(…)

Sassou Nguesso n’a aucun sens de l’Etat. Ses hommes liges et lui-même ont coutume de dire : « c’est notre pouvoir », pour ne pouvoir partager les rôles avec d’autres membres de la collectivité nationale aptes à assurer les fonctions administratives, ministérielles ou politiques.

 

Lorsqu’en Juillet 1989, je fus nommé premier ministre, sans l’avoir voulu, ni peut être mérité, n’étant pas membre du PCT pour une fonction que l’idéologie régnante plaçait exclusivement à l’intérieur du sommet de la nomenklatura, tout le monde pensait qu’un changement radical s’amorçait. En fait, il n’en fut rien, car c’était une tactique, une poudre aux yeux, pour mieux s’incruster dans l’incurie et donner le change à tous ceux qui persiflaient le système faute de lui exiger bruyamment une autre politique et d’autres hommes, notamment, après l’échec cuisant du plan quinquennal 1984-89 qui vit s’envoler 1 000 milliards de F CFA sans réalisations physiques correspondantes sur le terrain. A peine nommé, le 31 juillet 1989, il me convia de le suivre à Oyo, pour réfléchir sur la nouvelle équipe gouvernementale. Là-bas, j’attendis 7 jours avant de discuter de la mouture que je lui proposai et encore, par l’intermédiaire de ses deux oncles paternel et maternel, Yoka Emmanuel et Ndinga Oba Antoine. Si l’ossature ou la structure gouvernementale fut facilement acceptée, les propositions nominatives des ministres se heurtèrent à l’ostracisme du chef de l’Etat qui ne prit en compte aucun, absolument aucun des 3 noms que je lui avais proposés sur une liste resserrée de 21 noms (…)

 

Or, Sassou craint comme de la peste aussi bien les intellectuels que les hommes d’expérience et de caractère. Il préfère un gouvernement de moutons qu’il dirige sans risque d’être démenti ou repris, même avec des pincettes. C’est le peuple qui en paye les frais comme lors des explosions qui ont endeuillé la capitale le 4 mars 2012. On voit aussi des rues encombrées d’ordures ménagères, des quartiers inondés, enfouis dans de grandes crevasses de terre, des éboulements avec mort d’hommes, pour avoir été lotis sans études préalables.

 

A défaut d’être freiné dans ses lubies, Sassou a mis le, 16 décembre 2013, le Camp militaire du 15 août, à feu et à sang, simplement pour anéantir le Colonel Ntsourou contestataire et les hommes qui constituaient son bouclier humain. Autant dire qu’il a utilisé un pilon pour tuer une mouche !

(…)

Sassou Nguesso s’entête à construire une Agence de la Banque Centrale à Oyo, contre toute logique, la localité ne justifiant d’aucune activité économique. Même les produits vivriers consommés à Oyo, viennent des autres districts environnants comme Mossaka pourtant largement fluvial, Kellé, Ollombo, etc. Oyo qui ne mérite même pas une agence bancaire primaire ne pourrait que servir à Sassou de procéder à des opérations de blanchiment d’argent sale, ce qui est une perspective dangereuse pour le Congo.

 

On l’a dit et redit, il appartient au gouvernement d’arrêter ce gâchis. Toutes les infrastructures aéroportuaires, sportives, hôtelières, hospitalières sont construites en pure perte, parce que surdimensionnées comme l’hôtel Alima 5 Etoiles sans clients, l’Aéroport d’Ollombo sans avions et sans voyageurs, le Centre hospitalier sans malades. Comme l’a déclaré le Conseiller spécial en matière de Santé, le professeur Claude Maylin, le 3 janvier 2014, « Cet hôpital de 600 lits méritait d’être construit à Brazzaville et je n’ai pas réussi à faire entendre raison au président Sassou » (…)

 

Les ministres de Sassou disent craindre de perdre leur poste ou leur vie en démissionnant. C’est pourquoi ils préfèrent se tapir dans le silence pendant que le Timonier fait de l’anti- gestion et tribalise toute l’Administration et toutes les entreprises.

(…)

On parle de Nouvelle Espérance, de Chemin d’Avenir, d’Emergence d’ici à l’an 2025, et patati et patata.

Mon œil ! Le programme désarticulé de Sassou Nguesso, n’a servi réellement qu’à enrichir le pouvoir et son clan, sans retombées socio-économiques pour les Congolais, du Nord au Sud, toujours, de plus en plus pauvres. Sur 100 F CFA investis, Sassou et ses sbires prélèvent 70. Une belle affaire, la municipalisation accélérée. (…)

 

Denis Sassou Nguesso a réussi à décimer méthodiquement par le poison tous les grands cadres méritants du Kouilou (une douzaine ) pour s’assurer le monopole du pétrole et des autres richesses de cette région, ainsi que la manipulation éhontée des soi-disant sages. Mon propre frère ainé et mon cousin ont malencontreusement péri par son poison, qui avaient refusé tous les deux de prendre son parti alors qu’il recherchait leur désapprobation familiale à l’encontre de ma décision de démissionner, pour lui donner carte blanche afin de me liquider physiquement.

 

(…) Je sollicite du Seigneur qu’il garde aussi l’âme de ses Serviteurs lâchement tués par Sassou, à savoir le cardinal Biayenda assassiné dans le complot contre le président Marien, Mgr Ernest Kombo empoisonné, Mgr Georges Firmin Singha empoisonné, le prophète Sry Lassy Simon Zéphyrin assassiné dans sa résidence, le pasteur supérieur Gaston Makosso, empoisonné, la prêtresse Angèle Bandou criblée de balles dans sa résidence.

 

Des milliers d’autres Congolais ont péri de la même manière, par le poison ou la kalachnikov. J’en dirais bien de choses dans d’autres interviews, si je suis encore en vie. Cloitré dans mon coin de Ris-Orangis, comme un moine dans son monastère, j’associe mes prières à celles de mes compatriotes.

© Afrique Education

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