06
Lun, Mai
0 Nouveaux articles

Notre ami Hilaire DABOUT n'est plus

politique
Typography
  • Smaller Small Medium Big Bigger
  • Default Helvetica Segoe Georgia Times

Hilaire DABOUT a longtemps été directeur de la publication du journal Mwinda. Depuis l'époque où Internet n'existait presque pas encore. Notre journal paraissait alors sous format papier.

 

Depuis quelques années il avait pris, pour diverses raisons mais aussi de guerre lasse, du champ.

Notre ami est décédé ce mardi 10 mars en région parisienne, à 64 ans, des suites d'une longue maladie. Notre journal est en deuil. 

 

Nous gardons d'Hilaire le souvenir d'un homme de convictions qui avait le courage de ses idées, refusant par principe de signer ses articles sous un pseudo, mais sous son véritable nom, malgré les risques que ce choix comportait à l'époque, surtout dans le contexte des guerres civiles congolaises. Mais Hilaire était surtout un homme affable, dont le leitmotiv et l'ambition pour le journal était qu'il devait être utile. " Utile ", voilà le mot qui revenait le plus dans sa bouche. Il refusait également de transiger sur l'indépendance de " Mwinda ", écartant d'avance d'éventuels " parrainages " politiques, possibles à l'époque. " Chacun se doit de mettre la main à sa poche ", disait-il à la petite équipe de bénévoles que nous fûmes, quand se posait la question de l'impression et de l'envoi de centaines d'exemplaires du journal par avion vers le Congo...

 

 L'équipe de la rédaction de " Mwinda " pense aujourd'hui à sa famille, à laquelle elle adresse ses condoléances les plus émues.

 

Adieu Hilaire, l'esprit que tu as insufflé au journal continuera de vivre.

 

Ci-dessous un article signé de sa plume, en décembre 1994, dans le contexte d'après conférence nationale et d'instauration de la démocratie pluraliste au Congo.

 

Démocratie et multipartisme

 

Par Hilaire DABOUT

 

La démocratie, naissant toujours d’une dictature, peut être bien ou mal née, selon les qualités de cette même dictature en matière d’établissement des règles politiques, civiques et de gestion générale des affaires. La qualité de la démocratie vécue dépend alors essentiellement du niveau d’instruction de base et donc de compréhension des populations à travers le degré d’émancipation humaine, sociale, politique et économique du pays.

 

Ces fondements sont le vivier de la démocratie, laquelle n’est ni une acquisition, ni une simple disposition constitutionnelle mais plutôt un état d’esprit général, une éducation, une culture, un mode de vie national, un ensemble de références constituées par les institutions qui la garantissent et la défendent.

 

Sans volonté politique (et accessoirement populaire : un peuple a les dirigeants qu’il mérite, surtout si le suffrage universel a cours) il n’y a pas de démocratie, les institutions pouvant être mises entre parenthèses, quelle que soit la qualité de la Constitution, surtout lorsque la classe politique jure de ne jamais l’appliquer (ou plutôt ne pas se l’appliquer à elle-même quand elle est au pouvoir). La démocratie ne saurait être un simple marchepied, utile et nécessaire pour conquérir le pouvoir, ou un moyen majeur de paralyser l’action gouvernementale lorsque l’on est dans l’opposition.

 

La démarche démocratique, par excellence, consiste à s’appliquer à soi-même et à respecter les règles du jeu dans toute leur rigueur, la Constitution étant le seul code déontologique pour tout citoyen, surtout lorsqu’il s’agit de gérer les affaires nationales. De ce point de vue, pour revenir à ma thèse, introduite en termes de qualité des soubassements pour une démocratie réelle, je dirai que la démocratie rime avec responsabilité dans un cas, et avec désordre et anarchie dans l’autre, si l’ensemble des procédures n’est pas respecté.

 

Aucun journaliste, véritable juge-arbitre de la dynamique démocratique, ne peut et ne doit se targuer de publier n’importe quoi (c.-à-d. relayer une information non vérifiée, qui ne correspond pas à la réalité, privilégier le commentaire au détriment de l’information qui se veut d’abord descriptive des faits, et l’écho éventuel à donner) sous prétexte qu’en démocratie on peut dire, faire, écrire n’importe quoi, n’importe comment sans en mesurer les conséquences, les médias étant un système d’amplification terrible.

 

La démocratie consacre la liberté de la presse, la liberté d’expression qu’il faut cependant assumer avec responsabilité pour ne pas lui faire de tort. C’est exactement comme si une mère, après avoir donné la vie à plusieurs enfants, recevait, dans la nourriture quotidienne que ceux-ci lui apporteraient, un poison distillé sournoisement pour pouvoir l’affaiblir à jamais et la manipuler à souhait.

 

Si le journaliste est le juge arbitre de la démocratie puisqu’il juge l’homme politique dans son action politique, (que l’homme politique en question soit au gouvernement ou dans l’opposition) le bouclier, le rempart de la démocratie, c’est le peuple qui, seul, peut censurer l’homme politique. Le peuple dispose du libre arbitre, que lui garantit le suffrage universel, pour placer qui il veut aux commandes du pays. Il lui faut ensuite assumer ses choix qui engagent la nation pour la période consacrée (cinq ans pour l’élection présidentielle). Plus rien n’est possible normalement avant la fin de l’échéance. C’est élémentaire, donc fondamental. Quand un président est élu avec 60% des voix, ce n’est pas un accident. La démocratie consacre la majorité et permet aux minorités de s’exprimer dans le cadre strict des institutions. Aux associations et aux hommes politiques de se faire entendre dans la légalité et là, le journaliste doit jouer son rôle, j’allais dire sans parti pris (ce qui est naïf), je dirai dans le pluralisme idéel, un journaliste obéissant d’abord à son maître, celui qui le paie. Le journaliste ne doit sa crédibilité qu’à la rigueur de ses analyses.

 

Il est donc urgent, pour ce faire, de s’attaquer au problème de la radio et de la télé qui sont publiques aujourd’hui. Ce qui est public appartient au peuple et non à un parti.

 

C’est le citoyen qui paie le journaliste du secteur public et c’est donc lui qu’il doit écouter et servir dans son rôle de quatrième pouvoir. Je suggère la création d’un forum des citoyens (auditeurs et téléspectateurs) pour corriger les déviances éventuelles des médias d’Etat.

 

Le forum des citoyens serait consacré essentiellement aux auditeurs à qui le journaliste donnera la parole, par téléphone ou par interview, à l’adresse de l’opinion et de l’homme politique (ou la femme politique, au demeurant). Pourquoi ce forum ? eh bien, il s’agit de contrôler et de juger l’homme politique et le journaliste qui sont les animateurs les plus actifs de la démocratie. Le peuple souverain doit participer à la transparence de l’action politique en mettant le doigt là où ça va mal et, tout de suite, dans le sens du développement de l’esprit de responsabilité.

 

Hilaire DABOUT

BLOG COMMENTS POWERED BY DISQUS