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Olivia Dabira : " je ne peux plus me taire et voir mon père meurtri ". Appel de détresse d'une fille

politique
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ma peine

Une fille qui se préoccupe du sort de son père qu’elle croit en danger de mort et en appelle pour cela au « big boss », quoi de plus normal ? Sauf que le papa en question a pour nom Norbert Dabira, mbochi, ci-devant général dans l’armée congolaise, condamné par la « justice » pour avoir formé le projet, dit-on, d’abattre l’avion présidentiel,  un nom également cité notamment dans l'affaire des " Disparus du Beach ", et que le « big boss » concerné se nomme Sassou, un autre mbochi.

C'est pourquoi, à la lecture de la lettre ouverte que Madame Olivia Dabira adresse on ne sait d’ailleurs pas à qui, le sang de Jean Pierre Nzolani, un de nos lecteurs, n’a fait qu’un tour : « Madame Dabira, estimez-vous encore heureuse du sort qui est le vôtre. Vous au moins, avez encore cette possibilité d’aller rendre visite à votre papa quand le besoin se fait sentir. Moi, voyez-vous, je n’ai même pas cette possibilité-là, ni celle d’aller me recueillir sur la tombe des miens », observe-t-il (lire ci-dessous).

Pour notre part, nous tenons à rassurer Madame Olivia Dabira. Son papa n'est ni  un " pauvre téké ", ni un " pauvre Mukongo ". Il est mbochi et, jusqu' à preuve du contraire, les mbochi sont comme les loups : ils ne se mangent pas entre eux (1), du moins au grand jour ; il ne finira pas comme Ntsourou…

 (1) voir la légereté de la peine dont il avait écopé pour les faits dont il avait été reconnu coupable...

 

Olivia Dabira, fille du général Norbert Dabira, écroué à la Maison d'arrêt de Brazzaville, a écrit :

Je ne ris pas aujourd’hui, je ne vous mets pas les publications amusantes comme d’habitude non plus.

Je viens de passer presque qu’un mois à faire les aller-retour entre la résidence ???? et la maison d’arrêt à remettre à manger à mon Père et ce n’est pas la première fois, depuis que ce problème politique ou personnel a commencé j’ai fait au minimum 8 voyages en laissant mes enfants seule, étant veuve pour le rendre visite. Si je le fais c’est à cause de sa santé il y a des médicaments que nous devrons avoir seulement en Europe. Si j’écris cette lettre ouverte aujourd’hui c’est parce que je l’ai laissé dans un mauvais état de santé????????

Au moins j’ai dit qu’on ne me le reproche pas un jour après sa mort que sa fille était là souvent à ces côtés et ne disait rien, les autorités ont réussi son état de santé que le Docteur de la maison d’arrêt a établi et que c’est urgent qu’il se soigne, qu’il se fasse opérer..

Nous attendons toujours la réponse, je ne peux plus me taire et voir mon père à meurtri, mais je félicite son mental qui m‘épate toujours.

Je mets cette lettre publique puisque je vois que personne s’en occupe et les gens pensent qu’il se porte bien. NON

Le connaissant il sera contre cette démarche que je fais publiquement s’il arrivait à l’entendre, mais je souffre en silence, j’ai fait une demande d‘audience au big Boss lui remettre personnellement les résultats des examens en tant que sa fille, les résultats médicaux que je ne peux pas citer ici, mais j’attends , J’ai grand espoir de le voir comme auparavant et lui expliquer de vive voix certaines choses.

J’espère qu’il ne sera pas trop tard pour mon père. Chaque jour qui passe je me réveille avec la boule au ventre connaissant sa souffrance.

Que cette lettre touche le Cœur d’une personne même par Les prières.

Olivia Dabira.

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Réaction à la lettre

Olivia Dabira, pourquoi je ne verserai pas une larme...

Olivia Dabira. J'ai lu votre appel de détresse concernant les soucis de santé de votre papa enfermé en prison par un régime qu'il a lui-même aidé à revenir aux affaires au prix du sang des centaines de milliers de Congolais. Renversant de facto la jeune démocratie congolaise, toutes ses institutions et le président  Pascal Lissouba démocratiquement élu. C'était en Juin 1997.

Votre appel à l'aide est émouvant et je partage toute votre peine. Seulement voilà, votre père que vous prenez pour un saint, est aussi criminel que son ancien patron, celui-là que vous appelez "le big boss" et que vous suppliez pour qu'il vous accorde une audience afin de plaider la cause de votre papa. Moi, je n'aurai jamais ni l’occasion, ni le temps, de plaider celle de toute ma famille disparue.  Aujourd'hui, je suis le seul survivant d'une fratrie de 10 enfants.

Olivia Dabira. Est-ce une affaire de famille ou d’initiés? Vous implorez les Congolais à voler à votre secours et Sassou à vous accorder une audience. Le moins que l’on puisse attendre de vous, pour être cohérente dans votre démarche, c’est de plaider au cours de la dite audience, non seulement l’unique cas de votre papa, mais la cause de tous les Congolais qui souffrent de cette tyrannie pour laquelle votre papa a joué un rôle majeur, de toutes ses victimes et tous les prisonniers politiques.

Madame Dabira, estimez-vous encore heureuse du sort qui est le vôtre. Vous au moins, avez encore cette possibilité d’aller rendre visite à votre papa quand le besoin se fait sentir. Moi, voyez-vous, je n’ai même pas cette possibilité-là, ni celle d’aller me recueillir sur la tombe des miens.

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Votre papa a fait du tort aux Congolais. Il a endeuillé de nombreuses familles, décimé des lignées entières, fait de nombreux orphelins, fabriqué en masse de veufs et de veuves, laissé des mères et des pères inconsolables. Opération Mouébara dans la région du Pool, ça vous parle? Et les disparus du Beach, non plus?

Pendant que toutes ces familles endeuillées étaient envahies de larmes, terrassées par la douleur, celle d'avoir perdu des êtres si chers, votre père et ses compagnons sirotaient du champagne aux côtés de leur patron pour fêter le pouvoir retrouvé et tous les bienfaits qui vont avec. Ils en ont profité pendant des années, n’est-ce pas ?

dabira victoire

Le voilà aujourd'hui au fond du trou, remercié en monnaie de singe. Mais votre peine n'est rien à côté de celle de tous ceux qui, comme moi,  ont perdu les êtres les plus chers, et qui continuent à pleurer les leurs, même 22 ans après, tués par la folie de votre père et son ancien patron.

Ce matin-là du 5 Juin 1997, je quittais mes parents sans savoir que c'était pour la dernière fois que je les voyais en vie. Je leur ai dit, à ce soir, comme d’habitude, et j’étais parti faire les champs, la seule source de revenus de la famille. Derrière moi, le village était rasé, les arbres fruitiers brulés, les maisons calcinées. On faisait du porte à porte à la recherche de je ne sais qui. Je ne dois ma survie qu’au fait de m’être levé très tôt et de m’être caché en forêt aux heures les plus sombres, quand la furie des miliciens cobra s’abattait sur le village. Aujourd'hui, 22 ans après, j'ai le souvenir de mon papa à qui je n'ai pas dit adieux, Il est sans sépulture. Je n'ai pas échangé avec ma maman, ni avec mes frères et sœurs, eux aussi sans sépultures, aucune trace. Ma plaie est toujours aussi béante qu’à ses premières heures. Je la porte comme un fardeau à vie.

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Je croyais sincèrement que le malheur n'arrivait qu'aux autres, pas à vous, ni à ceux qui ont fricoté ou fricotent encore avec cette dictature sauvage. Les gens comme les Philippe Obara, Serge Oboa et j’en oublie d’autres, ce sont les Dabira d’hier et de demain.

Les Marcel Ntsourou, Blaise Adoua, Avoukou ou les Motandeau, tous, des anciens compagnons de votre papa, ne sont plus de ce monde. Ils ont connu une fin tragique, remerciés cruellement après de bons et loyaux services. Quant à Jean François Ndenguet, la nature est en train de faire son travail, lentement, mais sûrement, lui non plus n’y échappera point.

Votre papa a servi le diable. Le sang des autres...le sang des innocents, il le paye d'une façon ou d'une autre aujourd’hui. Toutefois, l'état de santé de votre père ne saurait l'absoudre de tous les crimes dont il s'est rendu complice. C'est pour cela aujourd'hui, ou quand viendra demain le temps pour ses anciens compagnons encore en vie et leur ancien patron, Sassou, je ne verserai pas de larmes.

Je suis inconsolable. Ni vous, Olivia Dabira, ni quiconque, ne peut imaginer ma douleur, car il y a dans la vie, des choses qu’on ne fait pas. C’est contre l’oubli que je me suis permis de vous adresser ce droit de réponse.

Jean Pierre Nzolani

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