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Sassou : du dialogue des sourds à la table ronde

politique
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 Tribune libre

Après s’être réinstallé frauduleusement en opérant un passage en force, Sassou n’ignore point que dès lors qu’il aura levé l’état de siège dans le Pool et rendu la liberté totale à ceux à qui il a subtilisé la victoire lors de sa pseudo-élection présidentielle, la question de sa légitimité se posera avec davantage d’insistance. Sa légalité bancale, à cheval sur deux constitutions, est une monstruosité parachevant la dernière perversion des institutions républicaines.

En résidence surveillée, les opposants semblent tenir et ne rien lâcher tant ils sont convaincus qu’il ne peut y avoir une prime au hold-up électoral et que les causes justes qu’ils portent en eux, au travers des aspirations populaires, finiront bien par triompher un jour. L’arbitraire et la barbarie déployés par le régime ont annihilé les pressentiments des lendemains qui chantent que les congolais nourrissaient entretemps. Cependant, la lutte continue.

Pendant que les faucons du régime éperonnent les populations et arguent partout qu’il n’y a pas d’opposants politiques incarcérés, les associations de droits de l’homme ainsi que l’église s’inquiètent, elles, du gangstérisme exercé par l’Etat. Depuis le 4 avril 2016, le Pool, région martyre, prend en pleine figure les violentes gesticulations d’un régime décadent et à la dérive.

Dans les geôles du pouvoir croupissent pourtant des congolais pour des délits d’opinions à l’instar de Modeste Boukadia, farouche partisan de la partition du pays en l’absence de démocratie avérée. D’autres congolais ont également rejoint l’univers carcéral à cause de leur proximité avec les réformistes qui composent l’actuelle opposition ou à cause de leur refus à souscrire à la médiocrité ambiante qui fait office de politique.

Près de 5% du produit intérieur brut du pays est consacré à l’achat des armes afin de ne pas se laisser aspirer par le tourbillon résultant des graves manquements d’un pouvoir au logiciel politique vide. Au travers de ses pétro-CFA qu’il a arrosés au-delà de ses frontières étatiques au détriment des congolais, et continue d’arroser partout dans le monde, le pouvoir de Brazzaville a fini par obtenir l’embarras et le silence de ceux qui auraient dû aider ou favoriser l’avènement de l’ère démocratique en Afrique.

L’évaporation de l’argent public au travers des circuits opaques amplifie la corruption orchestrée depuis les hautes sphères de l’Etat. Elle constitue une puissante muselière qui impose l’aphonie à tous ceux qui s’en enflent les poches.

De graves accusations sur des crimes les plus odieux tant financiers comme le « panama papers » que ceux de génocide se noient dans le silence. Dans ce pays où le monde se vit à l’envers, et où les victimes sont traquées tandis que les coupables sont chargés de faire appliquer et garantir des lois iniques, l’on a diabolisé les saints au point d’ensevelir le Cardinal Emile Biayenda en son temps et vénéré les bourreaux du peuple. Un dysfonctionnement caractéristique des républiques bananières qui plonge les populations dans un univers féodal quasi colonial.

L’une des principales difficultés liées à la résolution de la question congolaise réside dans cette parenté du pouvoir au colonialisme. Cependant, un colon est censé repartir tandis qu’un autochtone qui oppresse ses congénères et singe le colon constitue une tare endogène chronique considérable.

Ni l’inversion des résultats pseudo électoraux du mois de mars dernier montrant le rejet incontestable du régime, ni la multiplication des arrestations arbitraires qui s’en sont suivies, ne peuvent anéantir les aspirations d’un peuple lassé de la corruption et d’un pouvoir autocratique désuet. Les bombardements du Pool, une insupportable opération macabre de diversion, loin de lever les doutes sur les crimes contre l’humanité qui pèse sur le pouvoir de Brazzaville, fournissent au contraire une confirmation des suspicions.

Il s’ensuit qu’en quarante ans de pouvoir, le PCT a conduit le pays au naufrage. Les récentes contorsions de Sassou débouchent sur une impasse politique qui bloque le pays et étouffe la jeunesse. Or une nation qui sacrifie sa jeunesse compromet son avenir. Dans un attelage au demeurant surprenant, les deux plates formes d’opposition, IDC et le FROCAD, malgré le manque de résultat tangible, résistent étonnement bien face à un régime corrompu et habitué à broyer les dignes fils du pays. De guerre lasse, il faut en sortir.

La France de Hollande, ex-puissance coloniale, tergiverse. Incapable de trancher dans le vif, elle croit garantir ses intérêts économiques en ménageant une dictature venue du passée. Or plus de 75 % de la population congolaise ont moins de trente-cinq ans. Autant dire qu’au Congo, l’on n’a à faire essentiellement qu’avec la jeunesse pour qui l’avenir constitue l’unique chemin. Une chance dans l’histoire d’un pays que l’on se prive d’exploiter.

C’est dans ce contexte que les principaux acteurs pensent retrouver les chemins perdus de la réconciliation au travers un dialogue. Un véritable dialogue politique exclut le nombrilisme, la grandiloquence, les vaines palabres, bref, les blablas. Cependant, il emprunte la voie de la vérité laquelle exige à son tour, de l’écoute, de la sagesse, de la repentance, le sens du pardon et du compromis ainsi que la ferme volonté de rebâtir.

Mais le dialogue politique congolais, loin d’être un lieu où jaillit la lumière, est un rassemblement des chiffonniers qui méprisent, hélas, les fondamentaux d’un dialogue constructif. Plusieurs fois, on a, semble-t-il, dialogué dans ce pays. A Ewo, à Dolisie, à Sibiti. On aurait même consulté « des sages ».

L’on a tendance à incriminer la Conférence Nationale de 1991. Mais celle-ci fut un réel succès même si la suite fut sabordée par des forces du mal aidées par des acteurs politiques peu inspirés.

Alors pourquoi dialoguer si les protagonistes n’ont point d’oreilles à l’instar du pouvoir de Brazzaville qui est plongé dans un autisme profond ? Pourquoi dialoguer, si cela consiste à remanger ce que l’on ne cesse de vomir ? Pourquoi dialoguer, si les protagonistes nous dessinent l’avenir en points d’interrogation ? Pourquoi dialoguer si c’est pour applaudir ensuite les malfrats ?  Pourquoi dialoguer, si l’on ne protège pas le futur du poids actuel ? Et peut-on dialoguer avec un pistolet sur la tempe ?

Pour autant, un dialogue s’impose. Non pas celui des sourds, ni celui des armes, mais celui des gens responsables et avertis des enjeux réels, capables de raisonner et de mettre en adéquation les conclusions d’une saine démarche issue d’une table ronde ouvrant des réels perspectives. C’est ce qu’attend le Congo.

Abraham Avellan WASSIAMA

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