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Sassou donne rendez-vous aux Congolais en 2030, 2045 et 2060

politique
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Je bas ma coulpe et m’en repends. Je me suis trompé sur cet homme que j’ai, à tort, régulièrement traité d’incapable. A ma décharge, reconnaissons que la réussite de sa politique ne saute pas vraiment aux yeux quand on se promène dans les rues de Brazzaville. C’est le piège dans lequel je suis tombé bêtement.

Comme nous nous y attendions, Sassou a fixé la date de son referendum pour octroyer un vernis démocratique à sa dictature. A cette occasion, j’ai réalisé que les Congolais sont injustes avec lui. Moi le premier. En effet, pendant plus de dix ans, dans les colonnes de Mwinda, j’ai traîné cet honnête homme dans la boue. De quoi est-ce que je ne l’ai pas accusé ? Dictateur. Ce qui est un peu vrai, mais qu’avais-je besoin de le rappeler à chaque instant puisque c’est de notoriété publique. Putschiste. Criminel. Mafieux. Népotiste. On le dit. Mais personne ne peut en administrer la preuve. D’ailleurs, la fameuse conférence nationale souveraine de 1991 l’a totalement absous de tous ces péchés véniels, même si les délégués corrompus s’en mordent encore les doigts 24 ans après.

Je bas ma coulpe et m’en repends. Je me suis trompé sur cet homme que j’ai, à tort, régulièrement traité d’incapable. A ma décharge, reconnaissons que la réussite de sa politique ne saute pas vraiment aux yeux quand on se promène dans les rues de Brazzaville. C’est le piège dans lequel je suis tombé bêtement. La misère dans nos villes et nos villages est volontairement exhibée par le pouvoir pour inciter le bon peuple à ne pas lâcher l’effort, car il n’y a rien de pire que la paresse. La réalité, c’est que le Congo et les Congolais n’ont jamais été aussi riches. Pas seulement grâce à l’argent facile du pétrole. Mais grâce à l’excellente gestion des deniers publics, aux investissements judicieux réalisés par Sassou, et à une généreuse politique de redistribution, comme disent les économistes. Des aides sociales octroyées sans conditions de ressources. Niveau de chômage au plus bas. Mortalité infantile pratiquement nulle. Accès aux soins entièrement gratuit dans des établissements hospitaliers flambants neufs. Un réseau routier moderne. Des écoles, collèges et lycées sur équipés, des transports urbains et des trains sûrs et confortables. Des villes saines avec des rues totalement débarrassées de leurs montagnes d’ordures ménagères. Les Congolais lui en sont particulièrement gré. S’ils l’élisent et le réélisent régulièrement depuis 30 ans, c’est qu’il y a bien une raison. Je l’ai enfin compris. Mea culpa, votre Excellence.

Ma haine irrationnelle en vers ce régime m’a fait perdre de vue le bond en avant du Congo sous Sassou. Cet homme est un génie. Comme tous les génies, c’est dans des circonstances exceptionnelles qu’il se révèle. Ce fut le cas en 1979. Sa prise de pouvoir reste un cas d’école. Ce le fut à nouveau en 1997 même s’il fut obligé de bomber le torse à cause de cet entêté de Lissouba. En 2015, il est encore là . Non pas pour s’éterniser au pouvoir comme on l’entend à tort à et à travers dans la bouche de quelques malveillants, mais pour garantir la paix, la concorde nationale et apporter assistance à un peuple en perdition, abusé par ces démagogues d’une prétendue opposition qu’il a, en démocrate convaincu, eue la faiblesse de laisser prospérer au détriment de son propre intérêt. Mais le peuple n’est pas dupe. Le peuple ne se trompe jamais. A genou, il a supplié Sassou de ne pas l’abandonner aux mains des aventuriers qui mettraient le pays à feu et à sang pour s’enrichir au détriment de notre bonheur à tous. A son corps défendant, Sassou se voit donc contraint de répondre à l’appel du peuple, mais non sans consulter chaque Congolais. Après 30 ans au service de la révolution, de la république et de la démocratie, ce révolutionnaire, républicain et démocrate aspirait à prendre sa retraite et couler des jours heureux dans son ranch. Mais c’est un homme de devoir. Et un homme de devoir ne se dérobe pas.

Seule concession à cet appel pressant du peuple, il consent de réduire la durée du mandat présidentiel de 7 à 5 ans. Comme c’est aussi un visionnaire conscient de l’usure du pouvoir -normal pour un génie de cette trempe- le nombre de mandats reste limité ...à 3, soit 15 ans de plus, c’est-à-dire jusqu’en 2031. Un an de plus par rapport au septennat. Eh, eh, c’est toujours ça de gagné !

Et en 2031, ce fringuant jeune homme de 88 ans solidement cramponné à son déambulateur nous annoncera que le peuple inquiet du vide que provoquerait son départ du pouvoir demande, de gré ou de force, son maintien à la tête du pays. Il organisera à nouveau un referendum malgré lui. Comme c’est à la fois un visionnaire conscient de l’usure du pouvoir et un démocrate convaincu de la nécessité de l’alternance -normal pour un génie de cette trempe- la durée du mandat sera réduit de 5 à 3 ans, et le nombre de mandats limité  ….à 5, soit 15 ans de plus, c’est-à-dire jusqu’en 2046.

En en 2045, le scenario parfaitement huilé du referendum ramènera la durée du mandat présidentiel de 3 ans à 18 mois, et le nombre de mandats limité...   à seulement 10 pour faciliter l’alternance démocratique, soit 15 ans de plus au pouvoir jusqu’en 2060. C’est un progrès considérable pour la démocratie car nul ne pourra gouverner plus de 15 ans de suite.

Pour me racheter une bonne conduite à l’égard de cet homme bon et juste, je me permets de lui faire une proposition qui devait combler d’aise ce défenseur de notre encore et toujours jeune démocratie à l’écoute de son peuple. Sassou serait en effet mieux inspiré d’anticiper les appels pressants et suppliants du peuple en prévoyant longtemps à l’avance la révision constitutionnelle tous les 15 ans, histoire de faire évoluer nos institutions par rapport à notre culture et aux attentes des Congolais. Dans son projet soumis au vote le 25 octobre, le referendum (poupées russes) inclura donc les changements constitutionnels de 2030, 2045 et 2060, voire au-delà pour gagner du temps en des palabres inutiles.

Des chicaneurs (il n’en manque pas) vont me rétorquer que Sassou n’est pas immortel. Méfiez-vous. Ce dinosaure qui a déjà enterré Diawara, Kinganga, Ngouabi, Massamba-Débat, Milongo, Kolelas, Lissouba (presque) et Yhombi (re-presque) est prêt à en enterrer d’autres. Et si par malheur il mourrait, pas de panique. C’est depuis son mausolée que sa momie se pointera devant les cameras de Télé Sassou pour nous ânonner l’urgence de tripatouiller la constitution. Tout le monde étant prévenu, plus personne ne l’accusera, lui ou sa momie, d’organiser des putschs constitutionnels à répétition puisque le projet aura été massivement approuvé par les Congolais en 2015. Vraiment visionnaire, ce Sassou.

 Musi kanda

 

                                                                                                  {jacomment on}