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Pourquoi dialoguer ? Et pourtant la loi fondamentale est claire !

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Tribune libre

Le Congo, tout comme les autres Etats, a besoin d’un cadre juridique fort et respecté pour son développement, sa stabilité, la consolidation de la démocratie, de l’état de droit et le bien-être de ses populations. On ne saurait pas construire ce pays de dialogue en dialogue.

Lorsqu’il y a des lois dans un Etat, la première des choses et la plus importante est de respecter ces lois. On ne peut changer les lois d’un Etat par la volonté d’une seule personne qui ne cherche que son intérêt personnel : se maintenir coûte que coûte au pouvoir.

Le respect des lois est plus important pour la stabilité d’un Etat que le dialogue qui ne sait que favoriser le laxisme, l’impunité, le culte de la personnalité, la médiocrité, la corruption, l’achat des consciences, des compromis sans lendemain…

Le dialogue a toujours été dans la stratégie politique du président Denis Sassou Nguesso un moyen de rouler ses opposants (surtout les partis de l’opposition qu’il ne maîtrise pas) dans la farine afin de concrétiser et légitimer ses intentions de conquérir et/ou conserver le pouvoir. Le fameux forum national pour la réconciliation, unité, la démocratie et la reconstruction du Congo tenu à Brazzaville du 5 au 14 janvier 1998 est un exemple probant de la mise en œuvre de cette stratégie.

Les concertations de Brazzaville du 11 au 15 avril 2009, d’Ewo du 15 au 17 décembre 2011 et de Dolisie du 23 mars 2013 s’inscrivent aussi dans cette logique de conservation du pouvoir, car ces concertations n’étaient que des pseudo-dialogues dont but caché était d’embobiner les partis de l’opposition et faire croire à la communauté des nations civilisées que le président Denis Sassou Nguesso est un homme d’ouverture et de compromis.

Si ces concertations avait pour but de servir la Nation ; pourquoi alors les conclusions de ces concertations ne sont-elles pas appliquées et respectées ?

Dès lors la question du respect des lois ou des engagements pris se pose ici avec beaucoup d’acuité. En effet, la solution des problèmes institutionnels du Congo ne se trouve dans la multiplication des concertations ou des dialogues mais dans l’application et le respect des lois issues des dialogues précédents. Dans le cas d’espèce, la solution du problème institutionnel congolais se trouve de façon concrète dans l’application et le respect de la constitution du 20 janvier 2002.

Le développement du Congo passe d’abord par le respect des lois ; changer les lois comme on change des vêtements pour plaire à une femme ne peut aider le Congo à se développer ni même à se faire respecter par les autres Nations.

Le Congo a une loi fondamentale ; ce qui prime et doit primer c’est le respect de cette loi et non celui des traditions jadis qui n’avancent pas le pays. On parle par égoïsme, méchanceté et hypocrisie de « l’arbre à palabre » et on ignore que l’arbre à palabre représente aujourd’hui l’institution c’est-à-dire une règle du jeu acceptée socialement.

Pourquoi alors parler de l’arbre à palabre ou du dialogue dès lors que la règle du jeu acceptée socialement par la grande majorité du peuple congolais est claire et précise. Que peuvent faire les consultations, le dialogue ou l’arbre à palabre si on n’a pas la culture du respect des lois qu’on s’est octroyé ?

La stratégie politique de vouloir violer la loi fondamentale par des combines machiavélique (les pseudo-dialogues) constitue un obstacle épistémologique pour la stabilité et le développement du Congo. Cette stratégie est une barrière au progrès socio-économique et politique du Congo. Avec une telle stratégie, le Congo ne pourra pas s’arrimer à la modernité et l’humanisme[1] (l’humanisme vient du latin hamanitas qui signifie culture de l’esprit et bonnes mœurs)

Le concept d’obstacle épistémologique se donne à comprendre comme une résistance psychanalytique au développement et à la stabilité. L’émancipation d’un peuple est conditionnée par son développement cognitif. En effet, être intelligent est vital pour une vie de qualité et pour l’action individuelle et collective.

Le respect de la constitution est d’abord et avant tout une obligation particulière et concrète du président de la République. En effet l’article 56 alinéa 1 de la constitution du 20/02/2002 stipule que : «  Le Président de la République est le chef de l'Etat. Il incarne l'unité nationale. Il veille au respect de la Constitution et au fonctionnement régulier des institutions publiques... »

Monsieur Denis Sassou Nguesso, en sa qualité de président de la République, a des devoirs ; parmi ces devoirs il y a le respect de la constitution. Le manquement à ses devoirs engage sa responsabilité politique. Dès lors on parle de haute trahison. En effet, on entend ici par haute trahison tous comportements violant la constitution et ses principes ou tous manquements en contravention grave avec les valeurs démocratiques et républicaines[2].

Le changement de la constitution pour des motifs personnels de conservation du pouvoir et les combines machiavéliques y afférentes sont des comportements qui violent la constitution et ses principes autrement dit des manquements en contravention grave avec les valeurs démocratiques et républicaines.

Le président Denis Sassou Nguesso ne peut pas convoquer un référendum illégal pour abroger la constitution du 20 janvier 2002 ; son devoir est de veiller au respect de cette constitution. Ainsi toute tentative illégale de vouloir changer cette constitution est considérée comme une violation qui est passible d’un crime de haute trahison. (Le crime de haute trahison est un crime politique c'est-à-dire un agissement qui porte directement atteinte à la constitution et ses principes)

Si le président Denis Sassou Nguesso commet un crime de haute trahison, il sera jugé par la Haute Cour de justice selon l’article 153 de la constitution qui stipule que : « La Haute Cour de justice est compétente pour juger le Président de la République en cas de haute trahison. »

Avant la saisine de la Haute Cour de justice, le peuple a le droit de le destituer pour violation de la constitution, car il n’a pas le droit de convoquer un référendum d’initiative populaire pour changer la constitution.

Respecter la constitution, c’est la defendre et faire ce qu’elle vous autorise. Dans le cas du Congo, le président Denis Sassou Nguesso par ses combines machiavéliques ne defend pas la constitution et veut faire comme il a l’habitude, ce qu’elle ne l’autorise pas de faire et pourtant, il est le garant de cette constitution. Il a prêté serment devant la Nation et le peuple congolais, seul détenteur de la souveraineté pour la respecter et la défendre.

Article 69 de la constitution[3] nous dit à cet effet que : « Lors de son entrée en fonction, le président de la République prête le serment suivant: « Devant la Nation et le Peuple Congolais seul détenteur de la souveraineté: moi (nom de l’élu), président de la République, je jure solennellement:

-          de respecter et de défendre la constitution et la forme républicaine de l’ Etat ;

-          de remplir loyalement les hautes fonctions que la Nation et le Peuple m'ont confiées ;

-          de garantir le respect des droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques ;

-          de protéger et de respecter le bien public ;

-          de consacrer l'intégralité des ressources naturelles au développement de la Nation ;

-          de garantir la paix et la justice à tous ;

-          de préserver l'unité nationale et l'intégrité du territoire, la souveraineté et l'indépendance nationales. » »

En jurant solennellement de respecter et de défendre la constitution, le président Denis Sassou Nguesso a conclu un contrat de confiance avec la nation et le peuple congolais qui est le seul détenteur de la souveraineté. Ce contrat de confiance exige de sa part une obligation de résultat dans la mesure où il doit y avoir cohérence entre ses actes, ses intentions et le serment solennel qu’il a prêté devant ce peuple.

Le peuple congolais pour sa part fait confiance au président de la République en estimant qu’il doit respecter ses engagements. Si le président de la République ne respecte plus ses engagements constitutionnels, il y a donc rupture du contrat de confiance par conséquent violation du principe de la légitime confiance des administrés. Dans ce cas d’espèce, le peuple est en droit de désobéir sur base de l’article 10 de la constitution qui stipule que : « Tout citoyen, tout agent de l'Etat est délié du devoir d'obéissance lorsque l’ordre reçu constitue une atteinte manifeste au respect des droits humains et des libertés publiques.

L'ordre d'un supérieur ou d'une quelconque autorité ne saurait, en aucun cas, être invoqué pour justifier ces pratiques. »

Le principe de légitime confiance ou de confiance légitime[4] est une création essentiellement jurisprudentielle[5], il fait partie des principes généraux du droit. En effet, « ce principe protège les citoyens contre les atteintes pouvant être portées à la confiance légitime qu’ils peuvent mettre dans le maintien par les autorités des textes en vigueur. Il y a violation de ce principe lorsque les institutions modifient les textes sans respecter certaines conditions[6] »

Ce principe pose des limites à la souverainété du légistaleur et du président de la République quant à la modification des lois. Dans le cas du Congo, il exige le respect par le président Denis Sassou Nguesso de l’engagement pris consistant à respecter et à défendre la loi fondamentale.

Dans son arrêt rendu en mai 1983, la Cour de Justice des Communautés Européennes estimait que : «  le droit de reclamer une telle protection s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle , il ressort que l’administration a fait naître dans son chef des espérances fondées » (CJCE, arrêt du 19 mai 1983, Vassili Mavridis/ Parlement , aff 289/81 Rec , p.1731)

Les institutions mises en place par la constitution du 20 janvier 2002, ont fait naître dans le chef des citoyens congolais le principe de l’alternance démocratique, mis en évidence par la limitation des mandats présidentiels à deux. Ce principe ainsi né, devient une espérance fondée que le chef de l’exécutif et le parlement sont tenus de respecter et de défendre.

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, les citoyens doivent pouvoir faire confiance aux institutions et compter que celles-ci observent les règles et suivent une politique bien établie. (Cass. 14 mars 1994, Pas. p. 252 avec concl, min. publ. , Cass. 13 février 1997, Bull. n° 84 avec note)

Dans son arrêt du 11 février 2011, la Cour de Cassation a estimé que Le droit à la sécurité juridique implique que les citoyen doivent pouvoir compter sur ce qu’ils ne peuvent interpréter autrement que comme une règle de conduite ou politique fixe de l’autorité publique. Il s’ensuit que les attentes que crée l’autorité publique auprès des citoyens doivent, en règle, être honorées. Les attentes des citoyens ne peuvent, toutefois, pas être fondées sur une pratique illégale (Cass, 11 février 2011 N° F09.0161. N, Etat belge / UITGEVERIJ AVERBODE)

Pour la jurisprudence du Conseil d’Etat « tout citoyen doit, par application du principe de légitime confiance, pouvoir se fier à une ligne de conduite constante de l’autorité… » (CE. décision judiciaire, 24/09/2001, arrêt n° 99.052)  

A treize mois de l’élection présidentiel, le dialogue qui paraît indispensable au peuple congolais est celui qui porte sur la gouvernance électorale. En effet, selon l’article 64 alinéa 2 de la constitution: « Elle (la loi) prévoit les dispositions requises pour que les élections soient libres, transparentes et régulière. »

Pour que l’élection présidentielle de juillet 2016 se tienne et qu’elle soit libre et transparentes, il faut un dialogue inclusif. Les conclusions de ce dialogue feront l’objet d’un decret présidentiel afin que l’élection se fasse dans un climat de paix et la transparence totale.

Si les consultations[7] initiées par le président Denis Sassou Nguesso ont pour but de constater les divergences entre les responsables politiques autour de la question du changement de la constitution, afin de convoquer un référendum d’initiative populaire pour se maintenir au pouvoir ; ces consultations sont donc illégales au regard de l’article 64 alinéa 2 de la constitution.

En effet selon cet article, il est demandé au président de la République de prévoir des dispositions requises pour que l’élection présidentielle soit libre est transparente. Les divergences politiques ne peuvent justifier en aucun cas la violation de la constitution et du principe de légitime confiance. De plus ces divergences politiques ne constituent pas un droit permettant au président Denis Sassou Nguesso d’être au dessus des lois autrement dit de violer la constitution.

Le président Denis Sassou Nguesso, comme tout citoyen, doit respecter la constitution. Il n’a pas le pouvoir de changer la constitution ni même de convoquer un référendum d’initiative populaire pour changer la constitution. Il a par contre le pouvoir d’initier un dialogue pour mettre en place des dispositions requises afin que l’élection présidentielle de juillet 2016 soit libre, transparente et démocratique.

Maître Céleste Ngantsui  

 [1]Par extension, dans son sens moderne, l'humanisme désigne tout mouvement de pensée idéaliste et optimiste qui place l'homme au-dessus de tout, qui a pour objectif son épanouissement et qui a confiance dans sa capacité à évoluer de manière positive. L'homme doit se protéger de tout asservissement et de tout ce qui fait obstacle au développement de l'esprit. Il doit se construire indépendamment de toute référence surnaturelle

[2] définition du mot haute trahison salon Wikipedia(dictionnaire en ligne )

[3]Il s’agit de la constitution du 20 janvier 2002

[4]Le principe de confiance légitime ou de légitime confiance fait partie des principes généraux du droit

[5] C’est la Cour de Justice des communautés européennes qui a créé ce principe dans les années 1970 .

[6] Recueil des Cours n° 265 , 1997 , publié par l’Académie de droit international de la Haye, p 173

[7]Consultations sur la vie de la Nation et de l’Etat initiées le 20 mai 2015 par le président de la République, communiqué de la présidence de la République du 18 mai 2015.

 

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