06
Lun, Mai
0 Nouveaux articles

Un dîner presque honteux

politique
Typography
  • Smaller Small Medium Big Bigger
  • Default Helvetica Segoe Georgia Times

 Libres propos

Une incurable gloriole de type moyenâgeux s’étant installée dans les mentalités des hommes chargés d’animer les institutions africaines, et en dépit de quelques efforts que l’on peut relever ici ou là, l’Afrique subsaharienne poursuit inexorablement sa dérive. D’inepties en inepties, les dirigeants s’amusent et le peuple pleure.

Récemment, le petit journal de Canal + révélait les fastes d’un anniversaire congolais où les invités se voyaient gratifier de plusieurs dizaines de milliers d’euros, au dérisoire motif d’avoir répondu présents à ce diner. Pendant ce temps, le pays est exsangue et sa jeunesse tourne en rond.

Cette fausse générosité aux senteurs de détournement des fonds correspond, sans aucun doute, à l’une des saignées financières ayant atrophié le trésor public congolais au fil des ans. Il est à parier que le pays en paiera le juste prix un jour, d’une manière ou d’une autre.

En son temps, le pseudo empereur centrafricain, outre les défenses d’éléphants et les diamants de triste mémoire, organisait, semble-t-il, des réceptions où l’on consommait de la chair humaine, au lieu de poser les jalons d’une réelle construction du pays ! Jean Bédel Bokassa fut ainsi accusé, entre autres, d’anthropophagie. Aujourd’hui la Centrafrique agonise et n’en finit pas d’en payer le prix …

Un autre anniversaire aussi curieux qu’un conte de la brousse et de la forêt, vient d’avoir lieu aux abords des célèbres chutes Victoria. On est là au pays de l’inoxydable Président de l’Union Africaine, au pouvoir dans son pays depuis des décennies.

Pendant que Boko Haram sème la désolation en étendant sa zone d’influence et que les zimbabwéens tirent le diable par la queue, notre gérontocrate, du haut de sa sénilité nonagénaire, remercie Dieu d’avoir veillé sur lui à ce jour. Quasi centenaire, l’homme s’est mué en une incarnation de la malédiction d’une société pourtant promue à la plénitude, en déversant un torrent de larmes dans son pays.

Pour ses 91 ans, le Président du Zimbabwe Robert Mugabe, a organisé un diner honteux qualifié d’ailleurs d’obscène par ceux que cela insupporte. Pour ses dizaines de milliers de convives, le gargantuesque menu du jour est interpellant tant par son gigantisme que par sa composition.

Jugez-en : girafes et lions, éléphants et buffles et … autres hippotragues appelés aussi « antilopes des sables » pour plus de vingt mille invités (pas moins !). Il convient de préciser qu’au-delà de leur nom, ces non antilopinés hippotragus sont en réalités des très rares bovidés.

C’est l’incompréhension totale. Car, il n’y a rien de culturel dans cet acte qui consiste à dévorer les animaux de la savane par milliers, sinon que la folie d’un mégalomane fossilisé au pouvoir. Les défenseurs d’animaux s’étranglent.

Toutefois, ces vingt mille viandards, rassemblés là à ce pique-nique hors norme pour manger  en nombre impressionnant : lions, girafes et … autres éléphants, participent, au tant que les détestables braconniers, au saccage du patrimoine africain que la nature avait bien voulu nous léguer.

Par moments, on croit rêver ou assister à un gag de mauvais goût. Car, c’est aussi le même Mugabe qui, lors de son diner honteux, s’en est pris ses alter-égos blancs venant chasser des trophées dans les réserves animalières.

Le combat en faveur du développement durable notamment la préservation de la nature et la sauvegarde des espèces animales en Afrique est à hisser à la même hauteur que l’extraction frauduleuse des matières premières au mépris des considérations environnementales et humaines.

Cet acte monstrueux, posé par le Président de l’Union africaine, démontre à suffisance l’ampleur et l’urgence des luttes protéiformes que les africains doivent entreprendre face à l’ignorance, à la dictature et aux prédateurs de toutes sortes attirés par les richesses que regorge l’Afrique. Pendant ce temps, la déforestation avance à une fulgurante vitesse détruisant au passage la faune et la flore.

Il est fondamental de mieux organiser la jeunesse africaine à travers les formations de qualité afin de mettre le continent en ordre de marche. C’est par ce biais que nous relèverons les multiples défis auxquels l’on est confronté. La gabegie et la corruption minent l’Afrique depuis des années. S’y ajoutent maintenant les violences d’inspiration religieuse. Doit-on continuer à désespérer ?

De mémoire d’homme contemporain, l’Afrique n’a jamais connu un seul jour de paix. Des siècles durant, les résistances africaines ont payé au prix fort leurs luttes contre l’esclavagisme, la colonisation et la néo colonisation. L’essoufflement du mouvement panafricaniste, après l’anéantissement des leaders charismatiques au lendemain des indépendances, a très vite occasionné l’installation des dictateurs qui se sont enracinés par lignées ou clans, affairistes ou mafia. Il n’est jamais trop tard pour les déposer.

Notre liberté, et par conséquent le développement de l’Afrique, passe par la lutte contre l’obscurantisme et par le renforcement de notre capacité à produire une force collective intérieure suffisamment puissante capable de défendre nos valeurs et de résister aux forces antidémocratiques.

Abraham Avellan WASSIAMA

BLOG COMMENTS POWERED BY DISQUS