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Au-delà des « brazzavilloiseries » du 20 mars prochain

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La dernière réforme constitutionnelle qui vient de précipiter le pays dans l’espace des incertitudes, s’inscrit dans une logique de prédation. Cependant, éprouver le besoin d’organiser, fut-il, un simulacre d’élections, sur fond de répression, montre à bien des égards, la fébrilité de ce même régime. Au-delà des apparences, ces contours se sont contractés. Il y a quelques années, une simple allocution radiodiffusée lue par un griot du pouvoir ou un comité militaire aurait suffi pour valoir d’adoption d’une nouvelle Constitution.

L’histoire sera sévère à l’égard des dirigeants imposteurs qui martyrisent leurs propres concitoyens. Elle le sera également à l’égard des vendeurs d’illusions. Pendant que l’on tergiverse, les menaces d’inspiration religieuse sahélienne s’étendent progressivement vers l’Afrique centrale. La vulnérabilité de nos Etats face à une telle percée est évidente. S’y prépare-t-on ?

L’inaction des gens de bien est l’unique chose qui permet au mal de triompher (Edmut Burke).

En attendant, le triste déroulé programmatique du pouvoir de Brazzaville expose, en parallèle, l’état de faiblesse des forces du changement dans le pays. Les réformistes qui animent la frange officielle de l’opposition congolaise, trainent-ils des tares incurables de naïveté face à la férocité du régime dictatorial auquel ils ont appartenu ?

Une tyrannie n’a pour seul fil conducteur que la loi du plus fort et n’évolue qu’à travers un rapport de force. Et il est évident qu’un régime totalitaire ne peut que prôner et organiser des « élections » bidons en lien avec ses codes obscurantistes. Ces bidouillages, dont la finalité est à rechercher dans les poubelles de l’histoire, traversent tellement des générations que les populations désespèrent d’en observer continûment l’élasticité.

Cent cinquante ans de lutte anticoloniale n’ont pas suffi à mettre un terme aux humiliations de l’homme africain. Les dictateurs postcoloniaux qui oppressent leurs congénères contribuent au prolongement du système avilissant de la condition humaine.

Hélas, la politique des autorités congolaises s’est réduite à des distributions des dons à ceux qu’ils prennent pour des indigents. Cette indignité, sortie tout droit de l’époque esclavagiste, tend à figer ouvertement le déterminisme dominant/dominé.

Ce type de rapport passéiste basé sur la fanfaronnade et l’absence de considération vis-à-vis de l’autre, cet autre qui n’est en réalité que soi-même, frappe la majorité de nos concitoyens qui sont devenus étrangers dans leur propre pays. Cette absurdité poussera fatalement les congolais à la révolte.

Déjà, des voix en faveur d’une scission du Congo-Brazzaville se font entendre. Si rien n’est fait d’ici là, le chaos risque de se produire. L’indivisibilité du pays arguée çà et là n’est qu’une légende vite contredite par la réalité historique. Il existe bien trois Congo aujourd’hui pour lesquels la réunification n’est pas encore à l’ordre du jour (l’Angola, la RDC et le Congo-Brazza). Le Gabon n’est-il pas un pays Kongo ?

Il convient de constater malheureusement que nos dirigeants sont véritablement en deçà des enjeux, tant sur le plan économique et social que celui des valeurs humaines ainsi que celui des legs historiques. L’action des démocrates africains visant justement l’éviction de ces imposteurs qui insultent notre passé et notre mémoire, mérite d’être amplifiée et poursuivie autant que durera la dictature en terre africaine.

Notre combat, hérité des pères des indépendances préférant la condition des êtres pauvres et libres à celle des riches individus mais asservis, est plus que jamais d’actualité. Ici, la pauvreté a mué à la misère. Maintenue, hélas, dans l’oisiveté, la jeunesse exige de nouvelles mœurs politiques débarrassées de l’esprit clanique, loin de l’actuel conservatisme nord-coréen vendu comme modernité.

La dernière réforme constitutionnelle qui vient de précipiter le pays dans l’espace des incertitudes, s’inscrit dans une logique de prédation. Cependant, éprouver le besoin d’organiser, fut-il, un simulacre d’élections, sur fond de répression, montre à bien des égards, la fébrilité de ce même régime. Au-delà des apparences, ces contours se sont contractés. Il y a quelques années, une simple allocution radiodiffusée lue par un griot du pouvoir ou un comité militaire aurait suffi pour valoir d’adoption d’une nouvelle Constitution.

Les réformistes du pouvoir qui ont rejoint les rangs l’opposition ont tout intérêt à ne point perdre de vue le caractère nord-coréen de leur régime réduisant au silence toute contestation. Aucune tête ne doit dépasser et nul n’a le droit de faire un pas de côté. Aussi, chaque jour, les propagandistes du régime font état quotidiennement de l’appel à la candidature du timonier par le peuple qui serait en liesse.

Le fils Sassou qui exhorte son père à se présenter, vient-il de comprendre qu’il était temps de rétropédaler et de ranger ses ambitions dans sa poche, au risque de susciter la colère de son père pour qui le pouvoir est sa raison d’être ?

Sassou, dit-on, infatigable bâtisseur de son état, peine, cependant, à achever son œuvre débutée voici quarante ans. Laquelle œuvre se caractérise principalement par une régression sociale et une dépravation des mœurs sans précédent, en dépit de quelques faire-valoir.

En effet, la majorité des congolais sont confrontés aux mêmes problèmes de survie : chômage endémique, sous-alimentation généralisée, plateau sanitaire déficient avec des hôpitaux mouroirs, centres urbains insalubres, transports publics des plus folkloriques, l’ensauvagement des forces de l’ordre, le scandale de l’école, pillage et détournement des fonds publics, etc.

C’est à en pleurer car, pour une vraie opposition, il y a longtemps qu’elle se serait saisie de ces préoccupations qui étranglent quotidiennement les populations.

Alors, les ténors actuels de l’opposition officielle doivent absolument consentir à accepter la rude épreuve faite des sacrifices et d’endurance afin de se rapprocher davantage des aspirations des populations. N’est pas Mandela qui veut, mais quand même. Ils doivent se débarrasser au plus vite, de leur chronophagie portant sur leur participation, ou non, à des « élections » d’emblée biaisées.

Dans une lutte, l’on adapte régulièrement le combat en fonction des circonstances avec réactivité. L’enjeu véritable, pour l’opposition, est l’entrée en résistance en dénonçant sans complaisance aucune, élections ou pas, les insuffisances et manquements voire les crimes du pouvoir. C’est ce qu’attend le peuple afin de sortir de ce régime monolithique et monocorde qui balade les congolais de république en république. Leurs langues seront usées que leurs mains n’auront encore pas travaillées ! C’est là que nos espoirs se mélangent aux illusions provoquant la désillusion.

Abraham Avellan WASSIAMA