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Sassou : la mitose dictatoriale

politique
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Les  bonnes volontés n’ont pas suffi à faire raisonner Sassou qui se croit en pays conquis. L’ « homme des masses », enfermé dans ses considérations stratosphériques coupées de la réalité, est plongé dans un autisme profond. Ayant constamment fait dans le mépris, Sassou et son clan ont perdu de vue le fait qu’un mandat d’Etat se termine.

Toutes les composantes du régime de Brazzaville s’activent pour nous livrer leur dernière cargaison en matière de tragi-comédie. Le calendrier y affairant tient aussi bien du symbole rappelant les exécutions sommaires lors de leur accession à la tête du pays que de la stratégie d’inhibition des forces du changement. Ces gladiateurs des temps modernes rompus à la répression, vont parodier la démocratie dans une séquence faussement électorale.

Si le système judiciaire était en bon état de fonctionnement dans ce pays, l’on s’apercevrait rapidement que ces élections aux senteurs d’effluves, ne sont qu’un lieu d’exhibition et de blanchiment des biens mal acquis. Mais il s’agit surtout d’un festival de la triche où excellent, comme dans toutes les républiques bananières, la corruption et la concussion.

Pour les démocrates, cela correspond à un triste moment de perversion des valeurs fondamentales partagées par tous. Le respect. Le respect de soi, de son environnement, de l’autre, des biens publics, des règles que l’on se dote, … Les croyants, eux, en passe de perdre la foi, sont de plus en plus convaincus que Satan a élu domicile au Congo tant les prières exhortant la fin des humiliations ne parviennent pas à Dieu. Aussi, les populations redoutent-elles la réédition des  moments de convulsion précarisant davantage leur quotidien ? Ainsi s’éternise la malédiction congolaise.

Entre ceux qui se croit être devenus des virtuoses capables de dribbler leur mentor après avoir fait leurs armes au sein de son régime à l’image de l’IDC-FROCAD et ceux de la nomenklatura du canal historique, très aguerrie et richissime en pétro-CFA, les paris ne comportent aucun suspens. La victoire reviendra naturellement à la frange la plus gangstérisée. L’infime part de la providence faisant se lever, éventuellement, un patriote épris de paix et de justice (comme celui que l’on ne cesse d’implorer) pourrait enchanter les congolais et provoquer la tournure des événements.

Les  bonnes volontés n’ont pas suffi à faire raisonner Sassou qui se croit en pays conquis. L’ « homme des masses », enfermé dans ses considérations stratosphériques coupées de la réalité, est plongé dans un autisme profond. Ayant constamment fait dans le mépris, Sassou et son clan ont perdu de vue le fait qu’un mandat d’Etat se termine.

Imperméable à toutes les suggestions de bon sens, le pouvoir de Brazzaville se retrouve, en réalité, pris au piège de sa propre logique, devenant, de fait, prisonnier de la volonté de son chef qui lui, à son tour, se débat avec sa propre vérité.

Chez les entêtés, la conscience constitue bien souvent la dernière prison avant le dépérissement. Elle est intérieure. Elle ronge l’être. Peu à peu, s’installent des angoisses de toutes sortes que l’on tente de dompter par des fuites en avant ou par la recherche d’une apparente spiritualité. Afin de tromper ses propres peurs générées par la paranoïa, l’on éprouve le besoin de se satisfaire de simulacre.

A Brazzaville, l’on est, sans doute, en présence d’un homme déchiré par les intrigues ayant jalonnés son parcours dont il ne cesse de refouler la paternité à défaut de l’assumer. Quel héritage peut-il prétendre laisser à la jeune génération ? Trop de larmes ont coulé sous son règne pour qu’il en reste quelque chose. Et si ces « élections » du 20 mars 2016 tournaient brutalement au cauchemar pour ces initiateurs ?

Il est faux de considérer qu’il existe un « infatigable bâtisseur » devant l’éternel, promu à conduire seul le pays vers sa plénitude, discriminant au passage une partie de la population. Dieu lui-même, s’était reposé le dimanche. Associer d’autres personnes à l’édification d’une nation avec la possibilité de relais et d’alternance permet d’atteindre les sommets. Aucun d’entre nous ne peut atteindre la cime en allant seul, disant Mandela.

Jamais un régime n’aura tant divisé les congolais et instrumentalisé les institutions publiques, administratives et politiques de la république pour ses intérêts égoïstes. C’est bien connu, afin de mieux régner, l’on divise. Mais diviser les fratries, les familles, les régions, les structures étatiques … revient à casser le pays dans ses articulations les plus vitales.

Nos ancêtres ont toujours prôné le rassemblement par le partage. Car, considéraient-ils que partager renferme la notion de donner et recevoir. Cela revient à s’enrichir. Loin de réduire, partager augmente. En s’échangeant une idée chacun, l’on accède une idée supplémentaire. Les peuples qui n’ont pas su partager ou échanger avec d’autres ont péri. Et un règne sans partage n’est qu’une voie de fermeture.

Le silence dans les rangs du PCT, à ce sujet, rend, ce monolithique parti, coupable de l’état de délabrement du pays. Point de bilan, point de critiques. Que des superlatifs. Cela traduit la maigreur d’un réel bilan, sans doute creux. Dans ce monde moderne où des personnalités de haute valeur, à l’image du pape, peuvent se retirer, Sassou a fait le choix de l’omnipotence.

Son mode opératoire visant la démultiplication de son régime est inscrit dans sa prophase très subtile. En effet, pour sa survie, le pouvoir procède à une mitose en se morcelant. Afin d’étouffer les contestations, il consent de se libérer d’une partie d’elle-même. Désormais, dans une posture d’opposition, cette frange émancipée du pouvoir a pour vocation de réduire inconsciemment les capacités de nuisance de l’opposition et d’offrir ainsi au pouvoir la possibilité d’asphyxier les mouvements de protestation.

Et dans un geste de main tendue,  au nom de la sacrosainte unité nationale, elle se réapproprie les éléments égarés. Il ne serait donc pas étonnant si demain quelques éléments de l’IDC, par exemple, réintégraient le pouvoir. Les mauvaises langues diront qu’ils ne furent que des sous-marins. CQFD.

Mais la liberté a un prix que le peuple congolais, à travers sa jeunesse, entend payer afin de se sortir de ce marasme.

Abraham Avellan WASSIAMA