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Les mots ont un sens

politique
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Dans le combat que nous menons en ce moment pour nous débarrasser définitivement du clan au pouvoir, peu d’acteurs de premier plan ont saisi l’importance des mots. La sémantique peut être une arme d’une efficacité redoutable pour ceux qui en maîtrisent l’usage. A l’inverse, une sémantique pauvre s’avère un handicap qui n’est pas sans conséquences sur la crédibilité du locuteur. Il suffit d’écouter les leaders de l’opposition ou de lire leurs communiqués bureaucratiques pour nous rendre compte du long chemin qu’il leur reste à faire pour parler en toute simplicité aux Congolais de l’état délabré de notre pays, de la misère du citoyen lambda, du tribalisme et de la corruption érigés en religion par Sassou, sa famille et leurs serviteurs zélés en faisant main basse sur les richesses du pays.(lire ici)

Un exemple parmi cent. Pour les chefs de l’opposition, dire non au changement de Constitution, c’est défendre la démocratie. Erreur. Grosse erreur. Mais de quelle démocratie parlent-ils quand nous savons tous que le citoyen lambda n’a pas le droit de critiquer le pouvoir sous peine de voir la police politique de Sassou à ses trousses ? Mais de quelle démocratie parlent-ils quand nous savons tous qu’eux-mêmes sont interdits de voyager ou de tenir des meetings et condamnés aux sempiternels points de presse ? Mais de quelle démocratie parlent-ils quand nous savons tous que Sassou s’est fait élire à chaque fois en bourrant les urnes ? De quelle démocratie parlent-ils quand nous savons tous qu’en cas de référendum Sassou trichera comme il en a l’habitude, ce contre quoi d’ailleurs nous nous battons aujourd’hui ? De quelle démocratie parlent-ils quand les députés et les maires sont non pas élus, mais nommés directement par le pouvoir ? De quelle démocratie parlent-ils quand l’accès aux médias publics est interdit aux opposants ? De quelle démocratie parlent-ils quand toute manifestation de l’opposition est systématiquement vue comme une menace et entravée ? De quelle démocratie parlent-ils dans un pays où les arrestations arbitraires et les privations de liberté sont monnaie courante ? De quelle démocratie parlent-ils dans un pays où un dignitaire qui se fait coincer par des douaniers français à sa descente d’avion à Roissy avec 188 000 euros en espèces (soit un peu plus de 119 millions de francs CFA) rentre tranquillement à Brazzaville sans être inquiété par un magistrat ? De quelle démocratie parlent-ils dans un pays où les juges sont aux ordres du pouvoir, comme tout récemment avec l’avis favorable du conseil constitutionnel sur le coup d’Etat constitutionnel ?

Parler de notre pays comme d’une démocratie est une insulte et revient à présenter Sassou comme un démocrate, qualité qu’il n’a d’ailleurs jamais eue la décence de revendiquer. Il n’y a pas la démocratie au Congo. Point. C’est justement la raison pour laquelle nous nous battons depuis plusieurs années contre ce régime corrompu. Tant que cet homme sera au pouvoir, notre pays ne sera jamais une démocratie car la démocratie est une menace pour son système mafieux grâce auquel il contrôle tous les rouages de l’économie nationale. Bannissons donc de notre discours le mot démocratie quand nous parlons du Congo d’aujourd’hui gouverné par l’arbitraire policier du couple Sassou-Ndénguet.

Les autres termes à bannir de notre discours sont ceux de président de la République et de chef de l’Etat en parlant de Sassou. L’usage de ces mots à propos de Sassou revient à lui reconnaître une légitimité qu’il n’a pas quand on se rappelle comment il a accédé au pouvoir et de quelle manière il s’y maintient. Et pour les leaders de l’opposition, une telle reconnaissance les place implicitement dans une position d’infériorité insupportable juste au moment où il est important pour eux de montrer à nos compatriotes qu’ils ont les épaules solides pour instaurer au Congo non pas une démocratie en trompe-l’œil, mais une démocratie réelle respectueuse de l’Etat de droit et débarrassée de ses relents totalitaires et du tribalisme. Cela veut dire une justice et une presse totalement indépendantes, des élections libres et transparentes, une lutte sans merci contre la corruption, la fin du népotisme avec la privatisation de fait des entreprises publiques aux mains de ses enfants, neveux, cousins, gendres et autres beaux-parents.

Quand le pouvoir ne brandit pas la menace de l’instabilité d’un pays débarrassé de Sassou, il noie le poisson avec des slogans creux comme gouvernance, parole au peuple et autres fariboles. Si Sassou était à l’écoute du peuple, il ne serait plus au pouvoir depuis longtemps. Quant à la gouvernance, ce kleptomane qui ne trouve rien à redire aux immenses détournements de biens publics dont sont coupables ses proches et lui-même n’a sûrement rien trouvé de mieux pour se foutre une fois de plus de notre gueule.

Aux leaders de l’opposition, le temps des salamecs est révolu. Le combat se mène aussi avec le choix des mots en veillant à ne pas reprendre bêtement ceux imposés par l’adversaire. Monsieur Sassou, qui n’a rien d’insultant, devait suffire pour lui témoigner le respect auquel tout être humain a droit. Ni plus, ni moins. Pas son Excellence, terme ridicule et désuet réservé aux délateurs de tout poil, mais qui n’a pas sa place dans le discours d’un opposant digne de ce nom.

Disons clairement les choses : après 32 ans au pouvoir et une gestion calamiteuse du pays, Sassou et son clan doivent débarrasser le plancher pour que nous puissions remettre de l’ordre dans la maison. Si la Constitution doit être nettoyée (réduction de la durée du mandat présidentiel de 7 à 5 ans notamment), c’est à celui que les Congolais auront choisi pour diriger le pays d’en prendre l’initiative. Pas à un autocrate en « fin de mandat » usurpé qui n’entend pas saisir la chance qui lui est offerte de s’en aller, pour une fois, la tête haute et, surtout, sans enjamber des cadavres.

Musi Kanda et Diaz Mahindou

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