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Sassou : après l’arbitraire, la fuite ou le suicide ?

politique
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Tribune libre

En élongation horaire, l’histoire post coloniale du Congo-Brazzaville se résume, pour une large part, aux années Sassou caractérisées par d’innombrables deuils inconsolables. L’homme et son système battent les tristes records d’encroutement au pouvoir et des dilapidations des richesses du pays pour lesquelles, dans un Etat de Droit, lui et son système mériteraient cent fois des châtiments exemplaires.

Pour avoir déjà livré des joutes militaires en pleine ville en vue d’arracher le pouvoir qu’il considère être au bout du fusil, l’homme s’est forgé une conviction d’invincibilité béate. Il brandit constamment la baïonnette et l’argent, instillant ainsi et concomitamment la peur et l’arbitraire. Miné par la corruption, le pays place désormais ses espoirs sur cette fin de mandat prévue en 2016.

Mais enivré par le pouvoir qu’il a confisqué durant près d’un demi-siècle, le président congolais s’est longtemps cru propriétaire du Congo et n’admet pas qu’une nouvelle génération, beaucoup plus vertueuse, puisse lui contester aujourd’hui ses élucubrations moyenâgeuses.

L’enjeu de l’éviction de la dictature est si ardent que les initiatives extraconstitutionnelles à travers des pseudos sages et dialogues incongrus visant l’évitement du bilan désastreux et la conservation du pouvoir, lui ont davantage couvert de poussière, loin du but cherché. S’y ajoutent, des révélations sur la responsabilité directe et personnelle de président congolais dans les guerres civiles qu’a connues le Congo-Brazzaville, d’après les médias.

Ivre de son pouvoir, le chef de l’Etat congolais doute désormais sur son âge, sur le nombre de ses mandats à la tête du pays, sur son devoir à la fin de ses mandats, sur les institutions, sur son domicile personnel, sur ses forfaits et crimes, sur ses avoirs, sur ses réels partisans et ses amis de moins en moins nombreux, même au sein de son propre exécutif …

Jugé inenvisageable, hélas, le respect de la Constitution lui aurait pourtant permis de sortir par le haut tout en sollicitant la clémence du peuple à travers une opération vérité ponctuée éventuellement par une amnistie. Mais, le chef de l’Etat a fait le choix d’imposer, par étapes, une réforme constitutionnelle qui s’apparente à un scaphandre de sauvetage.

Dès lors, il n’apparait plus que deux options possibles aussi cruelles l’une comme l’autre auxquelles le président Sassou peut recourir : le suicide politique par entêtement à quelques encablures des présidentielles, l’ombre d’un mouvement insurrectionnel rodant ou la fuite.

Les prochains mois seront décisifs. Déjà, apparaissent de graves fissures au niveau de l’Exécutif, des appels de plus en plus stridents au boycott des Jeux Africains prévus pour le mois de septembre prochain et à la démission du président de la République. Le malaise et la misère du peuple étant palpables, tout devient inflammable.

Le décès brutal du patron du consortium Total ayant fragilisé le président congolais et ne sachant plus vivre comme un congolais ordinaire, le président scrute l’horizon avec minutie tant les terres d’accueil pour un tel personnage plutôt encombrant et potentiellement client de la Cour Pénale Internationale, sont rares.

Témoin groggy de ce désastre, le peuple garde son sang-froid et reste coi. Cependant, sous les pieds endoloris des congolais jusque dans les entrailles du pays, gronde le magma de la révolte.

Afin d’espérer étouffer l’explosion qui s’annonce, le pouvoir de Brazzaville use de ses réflexes de répression et de coercition visant à transformer cette période de relative accalmie en moment de terreur à travers des restrictions et privations de liberté. Des voix s’élèvent dénonçant de graves atteintes à des vies humaines. De plus en plus, l’on déplore des opérations d’intimidation, des disparus et arrestations … bref, l’arbitraire à l’instar des « tontons Macoutes ». La suspension de l’internet précède celle des radios libres. Ainsi brule le torchon au Congo.

Actuellement, la barbarie ne se déroule au grand jour et à la place publique qu’épisodiquement. Mais des méthodes plus insidieuses sont orchestrées et distillées sournoisement au quotidien par des agents recrutés spécialement. Cette dilution de la torture dans l’invisible provoque des effets désastreux.

Débarrassé de la charge émotionnelle qui suscitait jadis l’indignation de la communauté internationale, ce nouveau mode opératoire s’est installé dans l’univers africain et singulièrement au Congo-Brazzaville, rendant aux indécrottables pouvoirs dictatoriaux, un visage faussement humain.

C’est dans ce contexte que l’on se targue d’organiser des « référendums ou élections » démocratiques auxquelles personne ne croit et complètement caricaturales, fourvoyant au passage les observateurs étrangers.

L’examen du fichier électoral du Congo-Brazzaville, par exemple, montre des aberrations ahurissantes. Tandis que les morts et non congolais y figurent en masse, nombreux sont ceux qui, congolais, en sont exclus et écopent le refus de se voir délivrer une pièce d’identité au seul motif de résider ou d’être ressortissants d’un département réputé hostile au pouvoir central.

Oui, il y a des apatrides au Congo-Brazzaville. Comment peut-on être étranger dans son propre pays ? Reconnaissance et dignité humaines constituent des exigences pour lesquelles les africains se battent depuis les temps immémoriaux. Bonnet d’âne donc pour le Congo-Brazzaville.

Quel que soit le pays, le bilan lié à de telles pratiques est lourd. Des fleuves, lagunes et buissons qui jouxtent les villes africaines sont là pour dissimuler autant que possible les preuves des différents forfaits.

En se vissant au pouvoir sans y apporter le moindre salut capable d’améliorer sensiblement les conditions de vie des populations contraintes au débrouillardise, les dictatures africaines sont coupables des crimes odieux au tant que le fut le colon.

Depuis les années 60, marquant les indépendances, combien de victimes sont-elles tombées en Afrique ? Les viols insupportables des femmes érigés en armes de guerre actuellement au Congo « démocratique », les enfants soldats, les opérations absurdes de type « Mbata ya ba kolo » … prouve l’incapacité et surtout la déliquescence de l’Etat, la médiocrité ayant pris le pas sur la raison.

Abraham Avellan WASSIAMA

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