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Interview imaginaire du camarade Sassou

politique
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Le camarade Sassou nous reçoit dans son palais, entouré de sa garde. Il caresse son chien.

Comment ça va cher camarade ?

Ça va ça va, tiens, que devenez-vous ? La dernière fois qu’on s’était vus c’est quand j’étais en exil à Paris en 1994, vous étiez le seul journal congolais sur la place de Paris...

Vous avez bonne mémoire. Oui en effet, cela fait bien longtemps. Ça va bien ?

Un peu fatigué mais ça va. Il a fallu aller fleurir la tombe de maman, aller donner un coup de main aux centrafricains avec cette dame là-bas qui ne pense qu’à porter de beaux pagnes et acquérir des propriétés avec mon argent. Et puis il a fallu monter sur des tracteurs pour l’inauguration d’un viaduc et le lancement de la municipalisation de la Sangha… A mon âge, avec ma sciatique ce n’est pas évident…

Justement depuis la dernière fois, vous avez pris un peu de poids et quelques rides…

Je ne peux plus échanger des balles avec Le Floch Prigent et le cheval, le docteur me l’a déconseillé. Trop dangereux. Du coup, je ne taquine que la silure dans mes étangs ou d’autres poissions dans l’Alima. Je ne transpire plus en plein air.

Vous êtes au courant de la situation au Burundi ?

Mais ce Nkurunziza, quel connard ! Pourquoi n’a-t-il pas proposé comme moi un référendum ? Moi, je l’ai fait et je suis tranquille. Pas un Congolais dans la rue. J’avais conseillé la même chose à Blaise (Compaoré) mais il ne m’a pas écouté. Quel con celui-là aussi !

Donc pour vous le référendum c’est la solution quand la Constitution vous interdit de vous représenter ?

Ce n’est pas ce que je viens de dire. Voyez-vous ici au Congo, il y a un débat démocratique sur la Constitution. Le débat est dans le peuple. J’ai de la chance ! Spontanément, la société parle, s’exprime depuis des mois et des mois, librement. Où avez-vous déjà vu ça ? Même dans les villages, les gens débattent. L’autre jour à Ewo, une femme m’a même interpellé pour me demander si la personne qu’on appelle constitution se trouvait dans ma délégation pour qu’elle la salue. Je l’ai orienté vers Thierry Moungala. Vous voyez !

Donc après ce débat spontané, libre que même en France on n’a jamais vu, je vais convoquer vers la fin de l’année 2015 un dialogue pour trouver un accord sur le principe du changement de Constitution. Je vous annonce tout de suite qu’il n’y aura pas d’accord.

Comment ça ?

C’est comme ça, parce que c’est prévu : gouverner c’est prévoir. Je fais tout pour qu’il n’y ait pas accord. Je ne suis pas bête : je sais que tout le monde est pour le dialogue mais pas de son contenu. Enfin, j’ai une certaine expérience ! J’ai déjà fait ça en 2001 quand même ! Le dialogue, je connais. J’ai déjà organisé le dialogue national sans exclusive en mars 2001 à Brazzaville qui a abouti à l’adoption d’une Constitution que j’avais réparée à l’avance, puis à la tenue d’un référendum en janvier 2002. Donc je demanderai à Ngakala de me sortir les dossiers de 2001 là et je referai exactement la même chose, histoire de gagner du temps ! Vous voyez que c’est pas compliqué, on reprend les mêmes dossiers qu’en 2001 !

Mais enfin camarade Sassou, vous voyez bien que les temps ont changé, le pays est en paix, vous risquez de le mettre en ébullition, comme au Burkina, au Burundi. Le référendum serait anticonstitutionnel, même le Bureau politique de votre parti l’a dit, votre Constitution vous interdit de vous représenter, vous avez dépassé l’âge …

Oh la la, vous mélangez beaucoup de choses-là !

Prenons les choses dans l’ordre. Comme disait l’immortel Marien Ngouabi (Paix à son âme), il faut être scientifique.

Moi, je n’ai rien demandé : le changement de constitution, c’est un débat suscité au sein de la société. Ce n’est pas moi, moi je l’ai pris au vol et donc il dépasse ma modeste personne. Comme dirait mon ministre Moungala, un grand juriste, vous le savez, il faut faire évoluer les institutions. Par exemple, hypothèse fantaisiste : si Dzon demain arrivait au pouvoir, il ne pourra pas dissoudre le parlement qui est totalement PCT ; alors, comment fera-t-il pour gouverner ? Donc pour le changement de la constitution, il ne faut pas voir Sassou mais l’intérêt du pays. J’aide l’opposition demain à gouverner le pays.

Donc, je ferai ce dialogue à la fin de cette année et comme je ferai tout pour qu’il n’y ait pas d’accord puisque je brandirai dès le début le chiffon rouge du changement de constitution, j’organiserai le référendum pour que le peuple lui-même, lequel est souverain, se prononce directement sur la réforme des institutions appelées à régir le pays.

Mais le référendum est anticonstitutionnel  camarade président ! Aucun texte ne vous donne le droit de le faire ? C’est arbitraire ! Vous avez prêté serment sur cette Constitution que vous avez juré de respecter !

(S’énervant) Qu’avez-vous contre le peuple ? C’est le souverain primaire ! Si vous ne voulez pas de référendum, acceptez donc de changer la Constitution lors du dialogue ! Quoi, on me reproche de demander son avis au peuple ? En avez-vous peur ? C’est ça la démocratie, soyez logique !

Vous me parlez de serment ? Mon ami Placide Moudoudou (il est de chez vous, il n’est pas mbochi, il est du Sud, et il est professeur de droit, je vous le précise) m’a dit que le serment ça ne valait rien. Moi, je n’ai pas fait du droit donc je demande aux spécialistes…

Non mais le référendum serait illégal, anticonstitutionnel parce que la Constitution ne vous donne pas le droit de consulter le peuple sur un changement de la Constitution. La Constitution vous donne le droit de la réviser sauf certaines dispositions dont l’interdiction de faire plus de deux mandats et l’âge limite fixée à 70 ans. Or vous avez déjà fait deux mandats et vous avez plus de 70 ans ! C’est vous-même, vous venez de le dire, qui avez fabriqué cette Constitution. C’est pour ça qu’elle vous gêne et que vous voulez à tout prix la changer ?

Vous êtes jeunes, vous. Ce n’est pas n’importe qui qui peut diriger ce pays. J’entends les Dzon, Miérassa, Okombi. Comme disait mon ami Okoko, même les batékés veulent commander. C’est moi qui ai fait cette constitution, vous l’avez dit. Donc je la connais mieux que tous ceux qui parlent. Je l’ai relue, je n’ai pas vu dedans un article où il est écrit : « Sassou, tu ne dois pas changer cette Constitution ». Je vais le relire mais je crois il n’y a pas ça. Et puis, pourquoi toujours parler de moi quand on parle de changer de constitution ?

Donc vous vous entêterez à organiser votre référendum, malgré les risques ?

Quels risques ? Oui, au premier trimestre 2016, j’organise le référendum, au deuxième trimestre vers le mois de mai, je fais adopter la nouvelle constitution par le parlement qui est, comme vous le savez, PCT et en septembre, présidentielle sur la base de la nouvelle constitution… Voilà comment je ferai.

Donc vous savez par avance que le peuple dira oui ?

Depuis quand le peuple a déjà dit non au chef ? Nous sommes en Afrique ! Mais bien entendu, il n’y aura pas de surprise !

Mais pourquoi ? Parce que vous avez tout verrouillé, pipé le recensement électoral, les régions du nord du pays étant aujourd’hui plus peuplées que celles du Sud ?

Non, ne voyez pas le mal partout. Non, simplement parce que la question qui sera posée au peuple est limpide : « Changement de constitution = paix. Ne pas changer la constitution = guerre. Vous êtes pour la paix, alors votez oui. Vous êtes pour la guerre alors votez non ».

Mais ce n’est pas une question ! Donc vous nous dites que vous organisez le dialogue pour qu’il échoue et le référendum pour que vous le gagnez. C’est cela ?

A peu près oui.

Mais avec qui serez-vous au dialogue de la fin d’année 2015 ?

Avec la société civile pardi ! J’ai débloqué de l’argent pour que mon ami Pierre Ngolo me fabrique des associations de la société civile. Il m’a dit qu’il en déjà créé 850. La liste est encore ouverte mais il ne faut pas en créer trop non plus sinon cela ne ferait plus sérieux. Nous ne sommes que 4 millions de Congolais. C’est avec la société civile que je serai au dialogue. Il y aura bien entendu des partis.

Quels partis, puisque le MCDDI, l’UPADS, le RDD, le parti de Munari bref tous les grands partis y compris ceux de votre propre majorité sont opposés à votre idée de changement de constitution.

Je vous ai déjà dit que j’ai l’expérience de la chose, comme en 2001.

Vous avez parlé du MCDDI tout à l’heure. Je vous annonce que ce parti sera là : Hellot m’avait aidé à diviser le parti de mon frère Kolelas mais ce connard a été infoutu de mettre le bordel dans la maison. Je lui avais pourtant donné les moyens nécessaires. Mais qu’à cela ne tienne. Aujourd’hui je compte beaucoup sur Landry. Il est d’accord avec moi que le pouvoir dans ce pays ne doit traverser ni le Djoué, ni prendre le route du chemin de fer. Il me soutient contre son frère et je m’arrange pour qu'il s'exprime dans la presse afin de mettre le feu à ce parti, le tout pour qu’une tendance du MCDDI participe au dialogue ou y apporte son soutien . Vous faites d’ailleurs bien de me le rappeler (se retournant derrière lui, il appelle : « ntoinetta, tu peux venir ? Où en sont les nguiri prévus pour l’opération division MCDDI ?)

En accord avec lui, j'ai décidé de changer le nom du marché Total : il s'appelera maintenant Marché Bernard Kolelas. Ma fille a distribué des outils agricoles aux ex-Ninja ; j'investis des milliards à Kintélé. Vous voyez que je m'occupe de nos amis du Pool et je n'ai pas fini !

Et l’UPADS, qui est aussi un grand parti, qui a des députés dans votre assemblée croupion ?

Quelle UPADS ? Celle de Tsaty Mabiala ou celle d’Itadi ? Regardez-moi ces gens. Tsaty Mabiala, mon ami Pierre Mabiala m’a dit qu’il s’était caché sous le lit quand les armes pétaient en 1997, alors qu’ils étaient venus m’agresser pendant que je dormais pour moi (il rit) Ah ce pauvre Lissouba : il voulait me faire la guerre, son chef d’état-major s’est barré dès les premiers coups de feu ; son ministre de la Défense sous le lit (il éclate de rire). Itadi ? C’est moi qui l’ai fabriqué. Comme Dzon et les autres. Moukoukéké, Tamba, d’anciens collaborateurs. Non franchement, l’élection présentielle aura lieu en septembre après référendum et adoption d’un nouveau texte par l’assemblée, croyez moi.

Donc vous ne craignez pas des troubles comme au Burkina, au Burundi…

Non mais moi, j’ai tout verrouillé ! J’ai nommé partout  des gens bien de chez nous, des gens qui réfléchissent, des mbochi ou en tout cas des gens de la Cuvette : aux postes de commandement de l’armée, au pétrole, aux finances. Mon oncle Yoka est en train de tout arranger à la justice. Mon ami Lenga qui est un peu fatigué sera remplacé par Bouka. D’ailleurs je vous apprends qui il y a un avocat (Me Amédée Nganga, Ndlr) qui a voulu me poursuivre en justice. J’ai ordonné que tous les magistrats du pays refusent dorénavant de le voir même en photo. Total, aujourd’hui il ne plaide plus que dans ses toilettes (il s’esclaffe de rire).

Non, j’ai tout prévu : j’ai mon aéroport à Ollombo pour éviter d’avoir à bombarder Owando qui est un peu chez moi, comme en 1997. Nous avons nos avions. Enfin pendant que les autres parlent, moi, j’agis, je suis prêt.

Le meeting de l'opposition à Pointe-Noire, le peuple dans la rue comme au Burundi et au Burkina ça ne vous fait pas peur ?

Le meeting de Pointe-Noire ? Laissez moi rire. Combien étaient-ils ? Mes services m'ont dit 300. C'est tout de même trop, je le concède. Quelques affamés sans doute qui ont cru qu'on y distribuait de l'argent, comme à mes meeting et à ceux du PCT. Soyez sûrs que la prochaine fois, ils ne reviendront plus, vu qu'ils sont partis les poches vides, sans même qu'on leur propose un peu de bière. C'est ça l'opposition ya nzala des Miérassa, Kinfoussia, Tsaty Mabiala : stoique, toujours fauchée et surtout mal élevée. Non mais franchement, sous ce soleil, renvoyer chez eux les gens comme ça, sans même un petit jus, une petite bière !

Quant au peuple qui manifesterait, vous parlez de quel peuple ? Et moi j’ai aussi des jeunes, je peux les sortir. Le général Ndengué est prêt à sortir ses voyous. Pour ça je lui fais confiance. Le Congo n’est pas le Burundi. Les jeunes sont polis chez nous, même s’ils sortent après les matches de foot.

Justement au Burundi, le coup d’Etat, même s’il a échoué, a été perpétré par un général sorti de nulle part, de la même ethnie que le président sortant… Les Okemba, Obara, Ndengue... vous êtes sûrs de tout ce monde ?

Comprenez-vous la langue mbochi ?

Non.

Comment ça ! Vous ne comprenez pas la belle langue mbochi ? Dommage, vous comprendriez beaucoup de choses mais ce n'est pas plus mal.

J’en avais déjà parlé aux Sages de chez moi. Bon c’est vrai que je m’exprimais en mbochi, c’est pourquoi on ne m’avait pas compris. Je traduis : j’avais dit là-bas qu’à Nguélé (Brazzaville) je ne crains personne, le pouvoir est prisonnier, comme un phacochère dans un filet, je ne le rendrai quand je serai fatigué et là, malgré ma sciatique, je ne le suis pas encore.

M’enfin JDO, comment pouvez-vous le soupçonner ? C’est mon féticheur et cousin, j’en ai fait un amiral de bateau lavoir sur l’Alima. Même si je me méfie de tout le monde je ne le vois pas avoir de mauvaises pensées. Mais je l’ai à l’œil, comme tous mes autres généraux. Avec le pouvoir sait-on jamais. Regardez le pauvre Ngouabi.

Qu’est ce qui lui était arrivé ?

Non, c’est une vieille histoire, n’en parlons plus, on était tous jeunes et révolutionnaires. Là, nous sommes tous francs-maçons, on nous dit de croire en des valeurs humanistes. Et puis avec l’âge je commence à avoir la mémoire sélective, je ne me souviens plus. Demandez à mon ami Justin Lekoundzou.

Donc vous ne pouvez pas vivre sans le pouvoir. Trente-deux ans ce n’est pas assez ?

Mais c’est au peuple de le dire ! Moi je suis dans l’action, je ne compte pas. Regardez Angela Merkel. Comme elle travaille bien, le peuple l’a reconduite. C’est le peuple qui décide.

Et l’opinion internationale, Hollande, Obama, l’Union africaine… ?

Arrêtez et soyons sérieux. J’en ai vu passer moi, des chefs d’Etat français et américains. Heureusement en France mon ami Sarkozy revient, il me l’a dit. Dommage qu’il ne revienne qu’en 2O17.

Votre ancien Premier ministre Souchlaty Poaty vous a accusé d’avoir voulu l’empoisonner et d’entretenir une cellule où vous cultivez des poisons de toute sorte pour éliminer vos adversaires. Mgr Kombo et beaucoup d’autres, ce serait vous.

Mais qui est ce Souchlaty Poaty ? Ah ! Celui que ma femme m’avait demandé de nommer à ce poste ? Un conseil mon ami : faut pas toujours écouter les femmes.

Bon cette réputation d’empoisonneur, elle me colle à la peau puis longtemps. Je ne propose plus à boire à personne quand je reçois au palais puisque tout le monde a peur. Figurez-vous cela me fait faire des économies. Cette histoire ne m’a pas du tout faire rire. Heureusement, Antoinette m’a calmé en convoquant ici ses parents qui ont accouru en quatrième vitesse. Ils rampaient là où vous assis, là. J’ai eu pitié de l’un deux qui rampait là, en cravate, au nom de tous, avec une dame-jeanne de vin de palme devant lui. C'était marrant, j’ai eu pitié et je leur ai dit. « C'est bon c'est bon, maintenant, vous pouvez vous mettre à genoux ! » (il sourit)

Bref tout va bien donc

Par la grâce de Dieu oui, je suis médiateur dans la crise centrafricaine, donc indispensable dans la sous-région ; je vais organiser les Jeux africains, le Fespam, je vais donc faire une revue de mes effectifs avant d’entreprendre ma réélection. Je ne vais pas chômer, il faut travailler pour le pays. Heureusement je ne suis pas seul : mes filles, mon fils kiki, mes cousins, oncle, bref le peuple m’aide. Ce pouvoir nous l’avons conquis par la force, c’est par la force qu’il faut le garder en donnant bien sûr l’impression de tout faire démocratiquement. Je suis pour la paix mais si l’on m’agresse comme Lisssouba en 1997, je vais me défendre ! Le seul petit souci en ce moment c’est Gras double.

Qui c’est celui-là ?

Je parle de l’héritage de mes petits-enfants, ceux de ma fille chérie qui a été rappelée à Dieu ! Ils n'ont plus rien à manger ! Ali, le petit musulman biafrais, fait le con à Libreville. Je ne supporte pas l'injustice. Je l'aurai un jour, il me le rendra tôt ou tard cet argent, parole de Mwene et de Kani ! J’ai déjà fait disparaître de plus coriaces que lui, à commencer par son p... Pardon, je n'ai rien dit, je commence à fatiguer là. Chauffeur ! Préparez moi l'avion, je vais aller faire un tour à Oyo (il se lève furieux).

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