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Zone de turbulence : le piège

politique
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Tribune libre

En ces moments crépusculaires des régimes totalitaires africains, le tabloïde de la réalité concrète congolaise est hideux. Il étale l’ampleur de la déconfiture du pays notamment dans ses structures politiques et administratives et dans ses valeurs humaines. Cupidité, négligence, dilettantisme, imposture et incurie ont laminé le système éducatif condamnant ainsi la jeunesse sans laquelle il n’y a guère d’avenir.

Les deniers publics font constamment l’objet des détournements systématiques par le biais d’un intrigant mode opératoire comparable à celui de la pieuvre. Au cœur de ce système ethno-moyenâgeux, se mélangent vanité, tribalisme, corruption et humiliation d’une frange de la population et tout cela, au superlatif.

L’instrumentalisation de la démocratie et le clientélisme anéantissent les efforts consentis inlassablement en vue de l’avènement démocratique d’un nouveau régime capable d’interagir avec les populations.

A l’heure actuelle, l’état qui, jadis neutre, agglomérait les pronoms personnels (moi, toi, lui et nous), s’est personnifié et possède désormais un visage. Celui d’un clan, connu pour sa gabegie et son autoritarisme.

Depuis des années, les congolais se savent vivre chichement aux pieds des puissants dans un environnement hautement insalubre et d’une pollution sonore accentuée par les vibrations des groupes électrogènes qui volent à la rescousse de l’inconfort dû aux fâcheux délestages chroniques d’électricité.

La recrudescence des multiples accidents vasculaires cérébraux enregistrés ces dernières années, au sein de la population est fortement corrélée à l’effondrement de toutes les structures vitales de proximité et à ce yoyo déroutant généralisé. D’où une mortalité impressionnante dont les chiffres volontairement biaisés sont régulièrement indisponibles.

Là où les populations bottent en touche en incriminant des supposés sorciers dans les familles, c’est en réalité, le résultat des graves dysfonctionnements de l’action publique et du pouvoir qui les régit.

Aussi longtemps que les populations se tromperont de cibles en exonérant les vrais responsables que sont leurs dirigeants pour diaboliser, à tort, les innocents collatéraux dans les fratries en proie au marabout, le quotidien sera invariablement étal.

Au-delà des incantations, la rupture politique tant souhaitée correspond davantage à une nécessité absolue de changement qu’à une alternance démocratique ordinaire valant aussi son pesant d’or. Il s’agit d’un bouleversement historique au parfum de liberté après des décennies de coercition improductive.

Soudain, le pouvoir se heurte à ses propres limites constitutionnelles lui indiquant la porte de sortie. De surcroit, il est trentenaire et sclérosé.

Brusquement, le Président broque les freins, se cabre et lance un pschitt faisant comprendre à tout le monde son intention de ne pas vouloir quitter le navire et que « sa » Constitution ne demeure qu’un vulgaire papier qu’il conviendrait de réécrire !

Comme à l’accoutumée, les courtisans courent partout et débattent, dans le vide, des effluves dégagées, promettant au passage d’en faire quelque chose au travers d’un pseudo-référendum tant ils excellent dans l’art de biaiser les résultats électoraux. Pour ces partisans de la grandiloquence, aucune importance quant aux aspirations des populations. L’essentiel réside dans l’obéissance au pouvoir.

Dans la culture bantoue, à l’âge canonique, un ancien incarne la sagesse et inspire le respect tant il a accumulé des expériences pouvant servir à la postérité. En somme, un puits de savoirs comparable à une bibliothèque. Par conséquent, il est révoltant de constater que les dirigeants africains, aux mandats finissants, n’aient pas atteint le degré de maturité nécessaire à l’éclosion d’une Afrique new-look piaffant de participer au concert mondial.

Il est affligeant de noter qu’une[aw1] lamentable ruse présidentielle est en cours d’exécution au Congo/Brazzaville. Tendu par le Chef de l’Etat himself, ce piège porte sur un choix binaire bien pipé et défit les démocrates.

Côté face. Agiter le chiffon rouge du changement de la Constitution poussant les congolais à l’énervement. Ainsi, le pouvoir tiendrait par ce biais « ses fauteurs de troubles » lui permettant de décréter un état de siège en clamant, du haut de ses clochers, que la République serait en danger. Et de cette manière, serait mis un terme à ce processus de fin de règne qui l’horripile.

Côté pile : Anesthésier la population par la tenue d’un pseudo-référendum sur la Constitution. La corruption aidant, les experts de la malfaisance, champions de leur Etat en prestidigitation électorale, sortiraient alors des résultats erronés naturellement en faveur de sa majesté et validés nuitamment.

Quoi qu’il en soit, cette stratégie sou tend une violence. Ce pouvoir a commencé par la violence et s’achemine à se terminer à plat ventre, dans la violence.

Il y a quelque chose d’indécent, relevant du mauvais usage de la démocratie, dans cette attitude conférant à un pouvoir oppressant une élasticité régénératrice.

Considérer que le pari de l’avenir de l’Afrique se joue avec les chantres du système néocolonial rejetés aujourd’hui par les grandes puissances elles-mêmes, à l’instar de l’Amérique d’Obama et de la France de Hollande en quête d’une meilleure gouvernance est une vision erronée et hasardeuse.

Les remous au Congo/Kinshasa, au Congo/Brazzaville lors de la CAN ainsi que les différentes convulsions au Gabon constituent autant d’indicateurs sérieux laissant présager des lendemains compliqués pour ces dits pouvoirs d’essence dictatoriale quasi dynastiques. Combien de cadavres ces régimes compteront-ils au terme de leur exercice respectif si élastique ?

Le chef de l’état congolais est-il prêt à endosser d’autres morts sur sa conscience et ouvrir ainsi la cruelle possibilité de se voir pourchasser dans les rues de Brazza ? Des voix s’élèvent y compris dans ses propres rangs signalant les risques potentiels encourus par une telle obstination.

Si « mourir au pouvoir » pouvait constituer un objectif, somme toute curieux, pour un individu ivre de pouvoir, la volonté obsessionnelle de l’atteindre, quoi qu’il en coûte, s’apparente à un suicide.

A l’instar de Nelson Mandela, les hommes accomplis ayant franchi le cap de respectabilité de « ki-muntu » considèrent que « mourir au pouvoir » signifie « descendre de soi-même du piédestal sous les applaudissements » et recevoir une bénédiction populaire avec le vin de palme puis s’en remettre aux forces célestes, en attendant le verdict divin.

Abraham Avellan WASSIAMA

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