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Nous sommes tous frères !

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Dans Nakomitunaka, du titre d’une célèbre chanson composée par Kimuangana Matéta, dit Verkys, et interprétée par Pépé Kallé, le grand saxophoniste congolais s’interrogeait : « Mon Dieu, qui sont donc nos ancêtres ? Mais d’où vient donc l’homme noir ? Jésus est blanc, tous les saints sont blancs, Adam et Eve sont blancs, tous les apôtres sont blancs, on refuse de considérer nos prophètes au profit de prophètes blancs, seul le diable est noir, pourquoi ? »

 

Ces questions ont aujourd'hui une réponse, même si l’information n’a pas fait la Une des journaux, et on se demande bien pourquoi. Pourtant il s’agit d’une grande découverte. L’équivalent de ce que représente, mutatis mutandis, le big bang pour l’origine de l’univers.

 

De quoi s’agit-il ? De ceci : l’homme moderne  c’est-à-dire toute la population terrestre sans exception, noirs, blancs, jaunes, peaux rouges sont descendants d’un groupe de quelques 10 000 africains environ. L’équivalent d’un petit village congolais. Ce groupe a marqué de son empreinte indélébile la planète toute entière…

 

C’est la recherche génétique qui nous l’apprend. Ce groupe a vécu il y a 200 000 ans en Afrique. La même génétique qui confortait les thèses racistes par le passé découvre aujourd’hui que l’humanité est une grande famille dont les ancêtres communs sont noirs et africains. Cette passionnante aventure a été racontée il y a quelques années sur la chaîne de télévision franco-allemande Arte, par les plus grands généticiens et archéologues de notre temps. A travers l’ADN et par le biais de la génétique, on peut retracer l’histoire de l’espèce humaine.

 

La science nous apprend que chaque homme est une formidable bibliothèque. Chaque homme détient une somme d’informations inimaginables car possédant les secrets de notre origine sur la planète. L’histoire de l’évolution sur cette planète est inscrite dans le code génétique.

 

Quand on regarde par exemple les Africains et les Européens on a l’impression qu’ils sont différents et qu’ils appartiennent  à des groupes différents. Erreur !

 

En réalité, à l’origine, tous les êtres vivants dérivent d’un premier être qui est apparu sur terre il y a 3,8 milliards d’années environ. Tout ce qui est vivant aujourd’hui descend d’un premier organisme vivant qui s’est formé dans l’eau des océans. De cette cellule originelle s’est développée toute la biodiversité terrestre. Il y a donc une seule base génétique du vivant qui s’est complexifié avec le temps. Ce code de la vie, les généticiens ont appris à le déchiffrer. Ce code est universel, c’est-à-dire que la manière dont on lit ses caractères est le même aussi bien pour l’herbe, l’éléphant, la chenille que pour l’homme. Ce codage est resté inchangé depuis des milliards d’années. 

 

Il y a 30 ou 40% de ressemblance entre le génome d’un homme et le génome d’une mouche ou celui d’un champignon. Entre l’homme et le chimpanzé, 99 % de l’ADN est identique. La différence entre ces deux espèces, leur identité (les signatures)  se trouve dans la manière dont les patrimoines communs qui ont divergé s’expriment. Le code génétique, s’il est déroulé formerait, « miracle de la création », un filament de 12 milliards de km ! Ce code est enfoui en chacun d’entre nous. Cette information contenue dans toutes les cellules de notre corps raconte notre histoire en tant qu’individu et celle des ancêtres dont nous descendons. Tout cela est écrit dans notre génome et on la transmet aux générations futures, et ainsi de suite. Nous portons une archive de notre passé.

 

L’information est transmise à l’identique mais parfois il y a des mutations. La mutation est une minuscule erreur de copie de l’ADN qui se glisse dans les cellules lors de la transmission de l’information. Si cette erreur n’est pas repérée, elle se fixe dans la suite des données génétiques. Le génome est modifié au fil des millions de réplications faites chaque seconde. La mutation germinale est alors transmise aux générations suivantes.

 

C’est en traquant ces petites nouveautés dans l’ADN que les scientifiques ont retracé l’aventure humaine. En retraçant les différences entre les individus et les proximités, on remonte dans le temps.

 

En prélevant l’ADN de pygmées, de Congolais, d’hindous, de kanaks, de papous, de Chinois ou d’Inuit…, on retrace l’histoire de l’espèce de manière archéologique. En comparant les ADN des populations géographiquement éloignées, les scientifiques ont constaté que ces populations étaient semblables. Le génome de deux individus pris au hasard sur la planète est identique à 99,9 %.

 

Pourquoi donc des populations qui semblent si différentes à travers le monde ont-elles les mêmes gênes partout à travers le monde ? La réponse : une seule population d’origine commune, il n y a pas bien longtemps.

 

La population mondiale descend d’un petit groupe d’individus. Dix mille individus environ impliqués dans la reproduction qui donnera l’humanité actuelle en dehors de l’Afrique. La diversité actuelle à travers le monde était contenue dans ce petit groupe d’individus partis d’Afrique.

 

Ce petit groupe à l’origine de l’humanité se trouvait au centre et à l’est de l’Afrique.

 

 L’homme est un primate comme un autre. Les primates que nous étions il y a des millions d’années ont dû s’adapter aux changements de l’Afrique tropicale. Des mutations expliquent que nos ancêtres se sont différenciés des autres primates notamment en développant une caractéristique qui est la réflexion, par le développement et la complexification du cerveau. C’est la naissance de l’homo sapiens. Cette réflexion, cette intelligence développée par l’homo sapiens l’a également été par d’autres espèces d’hommes qui étaient présents sur la planète.

 

Ainsi de l’homme de Neandertal en Europe ou de l’homme de Flores en Indonésie. Mais les hommes modernes que nous sommes se sont développés en Afrique.

 

Il y a donc à peine 200 000 ans, notre espèce est formée : homo sapiens, une seule espèce, une seule race, un petit groupe ancestral. Quelques milliers d’hommes et de femmes, nos ancêtres directs, qui nous ont légué notre patrimoine génétique. Chose curieuse, la diversité génétique dans ce groupe est bien plus importante qu’elle ne l’est aujourd’hui. Cela permet aux espèces de se protéger des épidémies et d’assurer la descendance. Plus la diversité est grande dans un groupe, plus on se rapproche de la source de l’espèce humaine. Et ce n’est pas un hasard si aujourd’hui on trouve une grande diversité génétique en Namibie chez les Khoisans. Les populations qui sont restées au plus proche des lieux d’origine ont conservé la diversité nécessaire à la survie de l’espèce. La diversité génétique chez les Européens montre qu’on trouve une moyenne de 20 différences dans le génome de deux européens quand on en retrouve 85 chez deux Bushmen. Les Bushmen ont donc conservé la richesse génétique du groupe d’origine, au contraire de la plus grande partie de la population mondiale.

 

Commente expliquer la grande diversité d’origine des ancêtres de tous les hommes et la faible diversité de leurs descendants ?

 

Il faut savoir que le petit groupe d’hommes qui est parti d’Afrique pour coloniser l’Europe et l’Asie n’a emporté avec lui qu’une fraction de la diversité génétique d’origine.

 

 Le premier effet fondateur de l’histoire de l’homme c’est donc la sortie de l’Afrique (Out of Africa). Un petit groupe sortant d’un ensemble pour former un autre groupe. Ce n’est qu’un sous ensemble, un échantillon qui est sorti d’Afrique emportant une partie de la diversité qu’on retrouve dans les données génétiques actuelles sur tous les continents que le sous-ensemble africain a colonisé. Les migrations se sont faites sur des millions d’années. Avec un ou deux kilomètres parcourus par année, on fait le tour de la terre en quelques milliers d’années. Le sous ensemble africain a d’abord colonisé le Moyen orient, l’homo sapiens africain rencontrant l’homme du Neandertal, cet autre représentant de l’humanité qui a disparu ou en tout cas dont le matériel génétique ne s’exprime pas dans le phénotype des européens.

 

Nos ancêtres se sont installés au Moyen orient il y a 70 mille ans. Pour retracer le parcours migratoire d’homo sapiens, les scientifiques ont recherché des indices concrets de leur passage lors de fouilles archéologiques. Ainsi, peu de temps après la sortie du berceau de l’humanité, l’homo sapiens  est présent au Laos, avec la découverte de cranes ayant 63 000 ans. Preuve de l’expansion vers l’est de nos aïeux. Ceux-ci se sont probablement déplacés en suivant les côtes jusqu’à se retrouver il y a 40 mille ans en Australie. Une autre vague s’est déplacée vers l’Europe, la Sibérie et l’Amérique, profitant des glaciations. Ce sont les colons fondateurs de toutes les populations qui existent aujourd’hui, faisant toutes les adaptations nécessaires pour vivre aussi bien dans les régions froides que chaudes. Le corps de ces colons noirs africains va se différencier et c’est de là que viennent les différences visibles, celles concernant la couleur de la peau. Celle-ci s’est adaptée à l’ensoleillement. La peau blanche provient de la mutation des populations qui étaient à l’origine noires.

 

Dans des conditions de faible éclairement et pour éviter le rachitisme les populations noires venues d’Afrique qui stationnaient en Europe ont fabriqué de la vitamine D. La mutation s’est ensuite généralisée (au moyen de l'attirance sexuelle du corps pour ce qui est différent ou pour certains traits valorisés) au sein de la population. En l’espace de quelques dizaines de milliers d’années cette mutation limitée à quelques individus s’est généralisée dans la population, il y a 20 ou 30 mille ans en Europe. Au fil du temps et au gré des rencontres les corps se sont différenciés de plus en plus entre des populations très proches génétiquement mais séparés géographiquement.

 

Voilà comment la science décrit ce qui est arrivé par le passé. Nous sommes d’une même famille, nous sommes tous Africains.

 

Nika M.

(D'après l'émission, " l'ADN, nos ancêtres et nous " diffusée sur Arte)

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