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Malentendus

musikanda
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Entre le clan au pouvoir au Congo et son opposition, jamais le dialogue n’a été aussi intense. Si si, ils n’arrêtent plus de se parler, chaque camp rivalisant de bonne volonté. Enfin, se parler est un bien grand mot pour décrire ce dialogue de sourds qui, s’il ne concernait l’avenir de notre pays, s’apparenterait à une mauvaise pièce de théâtre. Devinez donc. Sassou, d’ordinaire si sourd et si hautain envers tout ce qui ne ressemble pas à un flagorneur de la trempe d’un Moungalla, découvre soudain les vertus du dialogue avec une opposition qu’il a longtemps tenue pour quantité négligeable, voire inexistante.

Quant à l’opposition, nous assistons à l’émergence d’un attelage pour le moins baroque dont personne n’est en mesure de dire où il commence et où il s’arrête. Hormis leur goût exacerbé pour le pouvoir et de ses bienfaits, on cherchera en vain ce qui pourrait bien réunir dans un même front du refus un Kolelas sans scrupule toujours présent à la table du conseil des ministres présidé par Sassou, un Tsaty Mabiala dont les amis ont des positions plus que ambiguës, un Mpouélé à la pointe du combat, mais sans troupes, et un Bowao fraîchement converti aux valeurs démocratiques qu’il défend avec un brio remarquable tout en demeurant un membre éminent du parti au pouvoir. J’ignore comment tout cela va finir, mais la confusion ambiante n’aide pas beaucoup les Congolais à retrouver leurs petits. Heureusement qu’ils n’ont besoin de personne pour savoir qu’ils n’en peuvent plus de Sassou, de ses mômes, de ses neveux et de ses gendres. En attendant de trouver un consensus sur les moyens de nous en débarrasser, Mwinda, votre journal préféré, ouvre à partir d’aujourd’hui la foire aux idées. Toutes, mêmes les plus farfelues, sont les bienvenues. Au peuple souverain de décider laquelle retenir, et que nous proposerons de soumettre au referendum.

Pour ma part, je propose avant tout une psychothérapie pour Sassou. Il en a vraiment besoin. Non pas qu’il soit complètement malade, mais c’est un homme fragile qui, après plus de trente ans passés à vivre dans des bunkers et au milieu des gardes-du-corps, cultive désormais une phobie des humains vêtus autrement qu’en treillis et armés jusqu’aux dents. Non pas qu’il ne veuille pas non plus quitter le pouvoir, mais il ne sait plus où est la sortie, qu’il confond avec la fin de vie et la peur du néant. En fait, quand on lui dit que son mandat se termine en 2016, il entend et comprend euthanasie. Or l’euthanasie, dans notre pays, est illégale. En plus, son état de santé ne la justifierait nullement puisqu’il semble en bonne santé et encore avoir toute sa tête même si, en l’écoutant parler, j’ai des sérieux doutes.

C’est donc un homme à qui il faut réapprendre à vivre hors de bunkers, à aider à reprendre confiance en soi au milieu de ses compatriotes dont le respect pour les vieillards est l’une des valeurs cardinales. Comme partout en Afrique, les Congolais n’abandonnent jamais leurs vieillards. Il ne serait pas raisonnable de lui garantir du caviar et du champagne au menu de tous ses repas, mais il aura la certitude que les Congolais veilleront à ce qu’il ne manque de rien : il sera nourri (trois repas par jour alors qu’ils sont des millions à n’en avoir qu’un), logé (dans un logement décent muni de tous les éléments de confort), et blanchi (mais plus de costumes croisés sur mesure aux frais du contribuable), jusqu’à la fin de ses jours. Quand il lui viendra le caprice de vouloir changer d’air, libre à lui de faire le tour de ses propriétés entre Oyo, Le Vésinet, Marbella, Marrakech et autres paradis dont nous ignorons l’existence.

Le temps presse. Comme il semble bien atteint, plus vite il commencera sa psychothérapie, mieux cela vaudra pour lui et pour notre pays. Ses vœux aux Congolais le 31 décembre 2015 nous permettront de dresser un premier bilan et d’apprécier son bon état de guérison. S’il faut modifier la constitution pour y ajouter un article précisant ce point-là, et nous éviter ainsi des malentendus inutiles, personne n’y trouvera rien à redire. Vous voyez bien que nous nous écharpons souvent pour pas grand-chose.

Musi Kanda

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