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Chronique d’un hold-up en plein jour

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Les données traitées toute la journée du lundi 21, jusqu'au mardi 22 mars livrent les grandes tendances: Denis Sassou N'Guesso "DSN" est battu dans tout le pays, y compris à Oyo. Le trio de tête est formé de Kolelas, Mokoko et Okombi Salissa. Sassou est, au mieux, cinquième. Ces données sont portées à la connaissance de diverses autorités locales et des ambassadeurs étrangers.Panique à bord dans le camp du pouvoir. 

Vol en plein jour. Dimanche 20 mars le scrutin se déroule dans le calme, la bonne humeur et la discipline. La sécurité est assurée par l'armée régulière et la gendarmerie. L'engouement, extraordinaire, rappelle celui de 1992, lors du référendum constitutionnel et la présidentielle. Dans nombre d'endroits les opérations ont dû être prolongées au-delà des délais légaux.

 

Mais pendant ce temps les officines du pouvoir sont déjà à pied d'œuvre. Sassou a toujours refusé le choix consensuel de la société spécialisée dans le traitement des opérations électorales. Cette société occidentale divise arbitrairement le Congo en deux zones A et B. La zone "A" comprend les deux capitales, Brazzaville et Pointe-Noire, et les départements du sud (Kouilou, Niari, Bouenza, Lékoumou, Pool). Elle est réputée être favorable à l'opposition. La zone "B", qui serait naturellement favorable à Sassou, englobe les départements du nord et du centre: Plateaux, Cuvette, Cuvette-Ouest, Sangha, Likouala. Le but est de fabriquer des résultats donnant la victoire à Denis Sassou N'Guesso dès le premier tour. La tactique est simple en théorie: dans la zone A diminuer le taux de participation, donc les voix obtenues par tous les candidats. Dans la zone B augmenter le taux de participation, y compris dans les villages difficiles d'accès, et donc les voix, mais cette fois-ci en faveur de Sassou uniquement.

 

C'est sans compter avec l'organisation logistique de l'opposition. Dès que les intentions du pouvoir furent connues elle décida d'utiliser les téléphones satellitaires pour communiquer. La plate-forme exige que les opérations de dépouillement des bulletins se fassent immédiatement dans le bureau de vote et qu'aucune urne non contrôlée ne soit transportée à la CENI. Enfin les fiches de ses délégués sont transmises dès que possible à différents contres de collecte. L'un de ces centres situé au siège d'un des partis de la plate-forme FROCAD-IDC est opportunément déplacé, au grand dam des policiers venus perquisitionner les lieux dans la nuit de dimanche.

 

Les données traitées toute la journée du lundi 21, jusqu'au mardi 22 mars livrent les grandes tendances: Denis Sassou N'Guesso "DSN" est battu dans tout le pays, y compris à Oyo. Le trio de tête est formé de Kolelas, Mokoko et Okombi Salissa. Sassou est, au mieux, cinquième. Ces données sont portées à la connaissance de diverses autorités locales et des ambassadeurs étrangers.

 

Panique à bord dans le camp du pouvoir. Le 22 mars réunions et rencontres se succèdent. Des sources évoquent un climat tendu entre DSN et des hauts gradés de l'armée, lesquels lui auraient demandé de respecter les vrais résultats, en sa possession, et de ne pas en publier d'autres qui lui seraient favorables. D'autres sources rapportent que la "cellule stratégique" de Mpila, en conclave de 13h à 23h, a choisi de prolonger la coupure des communications, "arranger" les résultats à publier, toujours dans la nuit, augmenter la pression sur la "bande des cinq" - surnom des opposants-candidats et préparer la riposte.

 

"Arranger" les résultats : on décide que moins de 50% des électeurs auraient voté dans la zone A , en éparpillant leurs suffrages. Par contre dans la zone B tous les électeurs se seraient déplacés pour plébisciter Sassou, lequel obtient des résultats faramineux, jusqu'à 100% des voix. Ces diverses manipulations vont accoucher des résultats provisoires que l'on connait, où est déclaré vainqueur avec 60% des voix un candidat largement distancé à Brazzaville, Pointe-Noire, et les grands centres urbains. Dans la nuit du mercredi 23 au jeudi 24 mars, à 1h du matin, le ministre de l'intérieur  Raymond Zéphirin Mboulou, professeur agrégé en fabrication de faux résultats, confirme les chiffres de la CENI donnant la victoire dès le premier tour à Sassou N'Guesso.

 

"Préparer la riposte": l'option du quadrillage militaire est retenue et devrait être lancée immédiatement. Mais les réactions indignées de la communauté internationale font reculer le pouvoir. L'Union africaine (54 pays), l'Union européenne (27 pays), l'Organisation internationale de la Francophonie, les États-Unis, tous dénoncent le cynisme du pouvoir d'ignorer le désir de changement exprimé par tout un peuple. Le parti socialiste français rejette lui aussi les résultats, en disant tout haut ce que François Hollande pense tout bas. Mais c'est mal connaître Sassou ! Ce n'est que partie remise, d'autant plus qu'il a prévu de se rendre en RCA assister à l'investiture le 30 mars du nouveau président centrafricain Faustin Archange Touadera, et le 2 avril à celle du président nigérien Ahmadou Issoufou. Sassou reviendra le 3 avril. Il faut donc rester l'arme au pied jusqu'à cette date, d'autant plus que l'opposition prévoit d'appeler à une journée ville morte le 29.

 

C'est dans la nuit du 3 au 4 avril que l'opération est lancée. A 3h du matin des coups de feu d'origine inconnue sont entendus à Kingouari, un quartier de Makélékélé. Puis, d'autres coups de feu, explosions de bombes lacrymogènes, crépitements d'armes lourdes sont entendus près du marché Commission et du marché Total, toujours d'origine inconnue. Le conflit est cependant bien circonscrit. Il ne déborde pas dans d'autres quartiers de Makélékélé ou Bacongo. Ces échanges nourris se feront entendre jusqu'à 8h environ et cesseront avec l'arrivée sur les lieux des Bérets noirs de l'armée. La population fuit les zones de combat toute la journée. Pendant ce temps des éléments de la GR (Garde républicaine) investissent la Cour constitutionnelle et contraignent les magistrats à valider les résultats provisoires de la présidentielle. A 18h 45 Sassou N'Guesso est officiellement déclaré élu. Le hold-up semble avoir réussi.