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Travail forcé au Congo : plainte contre la France

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17 000 morts indigènes pour les 140 premiers kilomètres du CFCO. Malgré les morts, rien n'arrête les travaux.

Travail forcé au Congo dans les années 20 : plainte contre la France pour " crime contre l'humanité"

PARIS, 25 février 2014 (AFP) - Une association française a déposé plainte mardi pour "crime contre l'humanité" contre l'Etat français et l'industriel du bâtiment Spie, accusés d'avoir recouru au travail forcé au Congo dans les années 1920 pour construire une ligne ferroviaire.

Le chemin de fer Congo-Océan (CFCO), qui relie Brazzaville au port de Pointe-Noire (500 km), a été construit entre 1921 et 1934 par la Société de construction des Batignolles (devenue ensuite Spie) pour le compte de l'Etat.

"Des civils ont été embarqués de force pour alimenter les chantiers", a expliqué l'historien Olivier Le Cour Grandmaison lors d'une conférence de presse. "Au moins 17.000 indigènes sont morts en raison des conditions de transport et de travail".

"Le travail forcé était de l'esclavage déguisé", a ajouté Louis-Georges Tin, président du Conseil représentatif des associations noires de France (Cran), qui a déposé la plainte. L'association agit sur la base d'une loi datant de 2001 qui, en qualifiant l'esclavage de crime contre l'humanité, l'a rendu imprescriptible.

Elle a engagé une action au civil devant le tribunal de grande instance (TGI) de Pontoise, dans la banlieue parisienne, contre l'Etat et les trois entités issues de la société des Batignolles: Spie, Spie-Batignolles et Clayax Acquisitions.

"Nous demandons au président du TGI de nommer un collège d'experts judiciaires aux frais de Spie pour évaluer l'ampleur du préjudice subi", a expliqué l'avocat de l'association, Norbert Tricaud. Le Cran demande aussi la création "d'un fonds d'indemnisation des victimes" pour financer un travail de mémoire.

Le travail forcé n'a été interdit qu'en 1946 par une loi portée par Félix Houphouët-Boigny, le futur président ivoirien.

Selon M. Le Cour Grandmaison, "l'essentiel des infrastructures réalisées dans les colonies l'ont été en recourant au travail forcé, qui a vraisemblablement concerné des millions de personnes".

Le Cran, qui milite pour obtenir des réparations pour les descendants d'esclaves, multiplie les actions judiciaires - dont l'issue est très incertaine - pour faire avancer sa cause.

En mai, il avait déjà assigné le groupe public d'investissement Caisse des dépôts (CDC) et l'Etat, accusés de s'être enrichis grâce à l'esclavage.

© AFP.

France: le Cran poursuit l’Etat et Spie pour «crime contre l'humanité»
Le Conseil représentatif des associations noires, le Cran, porte plainte contre l'Etat français et le groupe de BTP, Spie et Spie-Batignolles, pour « crime contre l'humanité ».

Ces deux groupes, héritiers de la société de construction des Batignolles, ont fait creuser dans les années 1920, sous l'administration coloniale française, le célèbre chemin de fer Congo-Océan (CFCO). Retour sur une terrible page de l'histoire.

« Congo-Océan », c'est le nom donné à ce chemin de fer : 510 kilomètres, destiné à relier la capitale du Congo français, Brazzaville, au port de Pointe-Noire. L'objectif est d’exporter les produits coloniaux. La société de construction des Batignolles fait appel à des hommes, des femmes et même des enfants. Pendant plus de dix ans, ces millions d'indigènes sont soumis aux travaux forcés.

« Ces travailleurs forcés ne sont pas condamnés à une peine privative de liberté à laquelle s’ajoutent les travaux forcés, explique l’historien Olivier Le Cour Grandmaison. Il s’agit de l’ensemble de la population civile qui est concernée. A charge pour la société de construction des Batignolles de réunir ces travailleurs forcés et de les exploiter. De les réunir dans ce que l’on appelle à l’époque les " camps ferroviaires ", qui se déplacent au fur et à mesure de l’avancée du chantier. Les taux de mortalité dans certains " camps ferroviaires " sont de 57% ».

Cette ligne de chemin de fer est construite dans la sueur et le sang, ajoute l'historien : « Le bilan, à l’époque connu de tous, est le suivant : 17 000 morts indigènes pour les 140 premiers kilomètres de cette ligne de chemin de fer. » Malgré les morts, rien n'arrête les travaux. Bien plus tard en 1946, la France abolit le travail forcé, reconnu comme « crime contre l'humanité » et il est imprescriptible. C'est pourquoi le Cran a saisi la justice pour dénoncer ce crime.

 

© RFI.

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