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Pour la soif du pouvoir d’un homme

politique
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Tribune libre

Pour la soif du pouvoir d’un homme.

Non, ce n’est pas le titre d’un film western spaghetti. C’est le drame d’un peuple. Le peuple congolais. C’est le drame des populations africaines. Des populations à qui sont imposés des mariages forcés d’un autre temps. Avec des chefs d’Etat qui, au risque de précipiter leur pays dans la violence s’accrochent mordicus au pouvoir qu’ils détiennent parfois depuis plus d’un quart de siècle ! Et ce ne sont hélas pas seulement les dinosaures nés au siècle dernier et formés sous la colonisation tels Mugabe, Bouteflika, Paul Biya, Sassou… qui souffrent de cette maladie génétique. La jeune génération représentée en particulier par Kabila ou Faure Eyadema montre également des dispositions pour cette tare morbide.

Comment diable vouloir s’enraciner au pouvoir au point de ne pas craindre de sacrifier la vie de milliers de ses compatriotes ?

Lorsqu’on a vu, dans le reportage diffusé il y a quelques jours sur la chaine de télévision publique française France 2, l’opulence d’une ville comme Oyo, ville sortie de la forêt (comme hier Gbadolité avec Mobutu, une ville disparue depuis sous les hautes herbes) par le chef de l’Etat congolais, on dispose de quelques pistes de réflexion : Oyo, qui n’était même pas un district il y a quelques années est peut être aujourd’hui la plus belle ville du Congo, avec ses larges avenues goudronnées, des hôtels de grand luxe, un gymnase, un hôpital, des villas, un aéroport international où seuls deux vols (de l’avion présidentiel) atterrissent deux fois par semaine. Un vrai gouffre à millions.

Comment dans ces conditions abandonner volontairement ce luxe, ce confort, quand le peuple attend patiemment le jour où il demandera des comptes, sur un tel dossier comme sur d’autres crimes économiques (comme la municipalisation accélérée, une vraie entreprise de blanchiment ?) ou sur les assassinats politiques ? L’exemple récent de Compaoré, chassé par son peuple et exfiltré honteusement par un hélicoptère français et qui risque l’extradition en même temps que son frère François ou sa belle-mère Alizéta est édifiant à cet égard.

Le choix s'impose de lui même : il vaudrait donc mieux s’arcbouter sur son pouvoir et mourir sur le fauteuil présidentiel quitte à entraîner tout le clan dans l’abîme. Après moi le déluge. Le chef de l’Etat congolais n’avait d’ailleurs pas craint de l’avouer à ses parents, dans une langue (mbochi) incomprise par 90 % des congolais : «  A Nguélé (Brazzaville), personne n’est de taille pour menacer notre pouvoir, je vous le dirai quand le serai fatigué, pour l’instant, je ne le suis pas », assurait-il.

La Constitution ? Un chiffon que celui qui a la force militaire, la seule qui compte ici, se fait tailler sur mesures.

Au Congo, la Constitution de 2002 (article 86) a beau disposer : «  Le président de la république peut, après consultation des présidents des deux chambres du parlement, soumettre au referendum tout projet de loi portant sur « l’organisation des pouvoirs publics », les « garanties des droits et des libertés fondamentaux », « l’action économique et sociale de l’état ou tendant à autoriser la ratification d’un traité », cet article n’autorise en aucune façon le président à changer la Constitution.

Sassou a beau savoir que s’il prenait une telle initiative, il s’arrogerait un pouvoir qu’aucun texte ne lui donne, que son pouvoir serait sans fondement juridique, donc arbitraire, une forfaiture même à ce niveau, il s’en moque comme de son premier béret rouge.

La constitution serait-elle donc intangible ? Non, puisque la révision est possible, sauf en ce qui concerne la forme républicaine et le caractère laïc de l’Etat, le nombre de mandats du Président de la République (article 185).

M. Sassou et son clan le savent : ils savent que tout ce qu’ils proposent, tout ce qui ferait défaut au texte actuellement en vigueur, à savoir un poste de Premier ministre, plus de pouvoirs aux collectivités locales, abolir l’âge du capitaine, changer le nom de leurs parents (sic), le nom du port d’Oyo... (resic) est possible par la voie de la révision qui est prévue par l’actuelle constitution.

Pourquoi diable vouloir le changement et non la révision ? Parce que l’article 185 sur le nombre limité des mandats n’est pas révisable ! Voilà pourquoi il prend le risque de s’aliéner l’opinion internationale, de déstabiliser le pays, comme hier Mamadou Tandja au Niger, qui voulait « finir ses chantiers » alors que la Constitution l’empêchait de se représenter.

Monsieur Sassou pratique clairement la politique de la terre brûlée et, aussi étonnant que cela puisse paraître, son entêtement a du bon : il sert le futur grand coup de balai qui emportera tout son clan car il vaut mieux que le fruit murisse et pourrisse sur l’arbre afin qu’il se désintègre tout seul sur terre une fois cueilli au moyen d'une perche, sans qu’il soit besoin qu’on l’écrase sous le pied et surtout pour éviter que les pépins ne prospèrent à nouveau… Il vaut mieux une vraie bonne pourriture qui exhalera sa puanteur suffisamment longtemps afin que le mal soit extirpé à jamais.

Ce qui est plutôt surprenant dans la situation actuelle c’est que pour la soif du pouvoir d’un homme, faisant fi du sens de l’histoire et n’écoutant que l’intérêt immédiat de leur ventre, des « jeunes », tels les Moungalla, Okiémi, Ondongo, Mampouya… se contorsionnent pour légitimer sur le plan du discours, des pratiques antédiluviennes. Hélas pour eux, atteints de myopie politique, ils brulent sans le savoir leur avenir par les deux bouts car le peuple reconnaîtra ses bourreaux le jour venu. Sans sous-estimer leurs talents de retourneurs de veste, espérons que le pardon, comme celui que demandent aujourd’hui les dignitaires qui ont soutenu Compaoré au Burkina leur suffira pour se sauver.

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