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Face à la dictature de Sassou

politique
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Vingt personnes tuées et des dizaines de blessés par balles par la police de Sassou en une seule journée, emprisonnements arbitraires et torture des manifestants, encerclement par l’armée des domiciles de Kolelas et d’Okombi Salissa, quadrillage militaire des quartiers entiers à Brazzaville et à Pointe Noire, menaces et intimidations d’opposants notoires, voire saccage en règle de leur logement. Coupure d’internet et des communications téléphoniques pour massacrer en vase clos. C’est le tableau idyllique que nous présente la démocratie chère à Sassou.

Revenons sur terre, et cessons de parler de notre pays comme d’une république et d’une démocratie à défendre. Le Congo, sous Sassou, n’a jamais été ni l’une ni l’autre. Il ne le sera pas non plus tant que cet autocrate se maintiendra au pouvoir. Le Congo est une dictature. Et Sassou, un dictateur, point barre. 

La république et la démocratie restent à l’état de projet. Un projet qu’il appartient naturellement à l’opposition de donner corps. Dit autrement, l’opposition ne doit pas s’exonérer du nécessaire effort du travail intellectuel et idéologique permettant de donner des perspectives claires à notre peuple en fixant les objectifs de réformes urgentes à mener, et celles qui ne s’envisagent que dans le long terme. Faute de quoi, c’est le règne de la confusion, qui ne profite qu’au pouvoir en place.

L’après Sassou se prépare en envisageant tous les scenarii possibles. Oublier ce détail est une faute qui se payera au prix fort. L’urgence et les impératifs du moment ne doivent en aucun cas servir de prétexte pour se complaire et patauger dans ce vide idéologique sidéral devenu la marque de fabrique de l’opposition congolaise. Sans remettre en cause le courage des opposants à la dictature la plus féroce d’Afrique, après celle de l’Érythrée, il me semble que surfer uniquement, comme le font les partis d’opposition, sur l’impopularité indéniable du pouvoir militaire en place depuis 17 ans dans notre pays est insuffisant, pour ne pas dire illusoire. Ce constat n’est pas valable seulement pour le Congo. C’est une vérité historique qui se vérifie partout dans le monde où ont sévi, et où sévissent encore des régimes dictatoriaux.

Réclamer la tenue d’élections libres et transparentes, des discussions sur la gouvernance électorale, etc., comme le font depuis plusieurs années nos partis d’opposition, ne sert malheureusement pas à grand-chose car ils tournent en rond. Et ceci pour une raison très simple. Sassou est tout ce que l’on veut, sauf fou. Il sait pertinemment qu’il ne peut sortir vainqueur d’une élection propre même face à une chèvre. Au mieux (comme il le fait depuis 17 ans), il répond aux demandes de l’opposition par un immense bras d’honneur en leur opposant une fin de non-recevoir ou en les baladant de « dialogue » en « dialogue » sans  lendemain. Au pire (comme il le fait également depuis 17 ans), il menace, intimide, emprisonne, assigne à résidence les opposants qui la ramènent un peu trop.

Faux dialogue et vraie répression. Voilà les deux mamelles du dictateur congolais. La méthode s’étant avérée d’une efficacité redoutable puisqu’elle lui a permis de s’autoproclamer président de la république en 1997, de se faire élire cinq après (en bourrant les urnes) et réélire sept ans plus tard (en rebourrant les urnes), pourquoi se ferait-il hara-kiri  en se convertissant à la démocratie, synonyme de perte de pouvoir ? Sauf à renoncer de mourir au pouvoir, il n’a rien à y gagner en faisant, sans y être contraint, ce cadeau aux opposants qu’il méprise par-dessus tout.

Les leaders de l’opposition n’ont pas la vie facile dans notre pays, je le reconnais. Mais ils doivent se rendre à l’évidence une fois pour toutes qu’aussi loin que nous pouvons remonter dans l’histoire de la démocratie moderne, nous ne trouvons pas un seul exemple dans le monde où une dictature est tombée par la seule voie des urnes. Une dictature n’est jamais vaincue avec un bulletin de vote, sinon elle ne serait pas une dictature. Une dictature s’impose par la violence et ne tombe que par la violence. Soit à la suite d’un coup d’Etat (en espérant que l’auteur du putsch ait des convictions démocratiques comme lors de la révolution des œillets au Portugal, ou le cas du capitaine Rawlings au Ghana), par une lutte ou un soulèvement populaire, une guérilla sans merci, ou encore par la mort du dictateur si et seulement si le peuple est suffisamment fort pour empêcher un apprenti dictateur de s’emparer du pouvoir pour poursuivre son œuvre totalitaire.

Ceci pour dire que si les leaders du FROCAD et de l’IDC ne portent tous leurs efforts que sur la fameuse et inutile demande de gouvernance électorale pour faire déguerpir Sassou, ils attendront 150 ans qu’il ne se passera rien. Cessons de nous voiler la face. La désobéissance civile, à laquelle peut utilement s’ajouter le boycott systématique et bien organisé des entreprises détenues par le clan Sassou et ses serviteurs, est une arme parmi d’autres, mais elle n’est pas la seule. Face à un régime violent et meurtrier, il serait totalement absurde et suicidaire de nous priver des actions clandestines susceptibles de le déstabiliser en lui rendant coup pour coup : sabotage des entreprises du clan Sassou, incendies des commissariats et des prisons, destruction des véhicules policiers et militaires. Nous sommes aujourd’hui en guerre contre ce régime, une guerre que Sassou nous a imposée. Mais ne disposant pas des mêmes moyens que lui, nous devons nous montrer plus imaginatifs et plus audacieux que Ndénguet et ses tortionnaires, en commençant  par refuser de subir sans réagir.

Le régime ne se privera pas de me taxer de terroriste et, s’il me mettait le grappin dessus, de m’accuser, comme d’habitude, « d’attentat à la sécurité intérieure de l’Etat, de détention illégale d’armes de guerre, d’entretien de milices armées » et autres fariboles. Sauf qu’aujourd’hui, le terroriste n’est autre que Sassou, dont le nombre de morts à son actif se compte par milliers. La posture moralisatrice et pacifiste dans la lutte contre le régime criminel de Sassou vient de montrer ses limites. L’étape suivante ne saurait être autre chose que la lutte armée. Mais elle nécessite avant toute chose une condition absolue : l’unité politique sans faille de l’opposition, sans laquelle toute entreprise, même pacifique, est vouée à l’échec.

Ce n’est ni a priori évident, ni facile car contraire à leur culture politique, mais pour le salut du Congo, les leaders de l’opposition doivent se faire violence en acceptant de se fondre dans une seule formation capable de transcender les « frontières » ethniques et de contribuer à l’émergence de ce sentiment national qui nous fait tant défaut. Sans quoi, la république, la nation et la patrie resteront à jamais des concepts creux et vides de sens, pour le plus grand bonheur de Sassou dont la force, outre la violence, la cohésion et la fidélité de son clan autour de sa personne, est incontestablement l’éparpillement des opposants. Le dictateur ne nous laisse pas d’autre choix si nous voulons conserver intact l’espoir  de bâtir dans ce pays, une société démocratique, libre et juste.

MK


Brèves

Vers un nouveau "Dialogue de Sibiti " ou l'opposition qui croit toujours aux " dialogues " de Sassou

Dans une déclaration lue par son porte-parole, Jean-Baptiste Bouboutou, l'opposition congolaise a indiqué : " L'opposition congolaise représentée par l'IDC et le Frocad, en toute responsabilité, décide de suspendre à compter du 2 novembre, le programme d'action décliné dans la déclaration du 29 octobre 2015 ". 

Cette suspension répondrait à  " un souci d'apaisement, et en vue de permettre la tenue du dialogue (...)

Jules Monkala Tchoumou, porte-parole de la police congolaise, a aussi interprété la décision du Frocad et de l'IDC en estimant que c'était là " un engagement (...) pris par les hommes politiques (d'opposition) pour tourner le dos à la violence "...

Notre commentaire

Apparemment, après les dialogues d'Ewo, de Dolisie et de Sibiti, il y en a encore qui croient aux dialogues de Sassou, au prétexte que, cette fois-ci, il donnerait des gages sur la " gouvernance électorale " car drapé sous le vocable " communauté internationale ". Suspendons, suspendons et attendons que Sassou promulge sa constitution, comme on a attendu qu'il organise son référendum...

Le peuple congolais donnerait-il son sang pour rien ? Il n'y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.


Alain Mabanckou : " où se trouve Dongala ? Où se trouve Passi ? "

Interview d’Alain Mabanckou à TV5 Monde, le vendredi 23 octobre 2015. Extraits.

(…) Vous savez, tous les jours, je reçois des mots des jeunes qui m’écrivent en messages privés: oui, grand-frère, on vous a entendu intervenir sur le Congo. Mais, on veut entendre beaucoup d’autres intellectuels, parce que le débat est là. Ils me demandent où se trouve Emmanuel Dongala? Où se trouve Passi? Que ce soit Dongala, que ce soit Passi, que ce soit Dieudonné Niangouna, Wilfrid Nsondé, les jeunes m’écrivent pour me dire pourquoi vous êtes seul à parler de la situation congolaise. 

Je voudrais dire à ces amis artistes, intellectuels congolais qui sont, pour l’instant, dans le silence que ce qui fait mal, ce ne sont pas ces atrocités qui se passent au Congo, mais c’est, souvent, le silence qui pèse sur ces atrocités qui font qu’on a du mal (…).

Qui est, pour moi, ce Moïse [Personnage de son dernier roman " Petit piment ", ndlr] dans le Congo actuel, eh ben, c’est ce Moïse qui s’appelle le peuple. C’est-à-dire que je suis toujours du côté du peuple. Au Congo, il n’y a pas mes ennemis, qu’on soit clair. Je ne suis ni l’ennemi des opposants, ni l’ennemi de la classe politique. Je suis un Congolais qui se lève lorsque le peuple se lève. Et, quand je vois que nous allons vers le référendum, je demande qu’une seule chose, qu’on entende les gens de Oui, comme on entend ceux de Non, qu’on n’entende pas seulement une seule voix. Et, je voudrais, c’est très important, que la France arrête de se mêler des affaires congolaises. Le président de la République n’a pas le droit de venir dire telle personne peut faire ceci ou cela. Nous sommes adultes, nous sommes indépendants (…) Nous avons, aujourd’hui, des Nations africaines qui souffrent d’une maladie qui s’appelle la « constitutionnite », l’esprit de changer de Constitutions à tout instant (...)

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