25
Jeu, Avr
0 Nouveaux articles

Sassou : la déraison

politique
Typography
  • Smaller Small Medium Big Bigger
  • Default Helvetica Segoe Georgia Times

Tribune libre

Afin de parvenir à ses fins et de ne pas tomber sous le coup de la loi interdisant l’accumulation de plus de deux mandats successifs et limitant l’âge des candidats, le président préconise, purement et simplement, la suppression de cette loi. Utilisée par des voyous en col blanc par le biais de lobbyings auprès des représentants peu scrupuleux de l’Etat, cette démarche d’abrogation des textes, à ciel ouvert, du premier magistrat, sacralise l’anarchie et, par prolongement, l’impunité.

Ainsi, le réveil des congolais sera douloureux lorsqu’ils découvriront, aux aurores d’un matin, que tous les panneaux d’interdiction régulant le pays avaient été arrachés par ceux qui étaient censés en assurer la promotion. A l’apogée de l’héritage du règne de Sassou se mêleront anarchie, meurtres et chaos que l’on imputera à tort aux bonnes volontés qui se sacrifieront pour tenter d’endiguer le marasme.

Le président congolais mesure-t-il l’importance pédagogique et formatrice du statut de ce bel exemple de respect de la loi ? Après plus d’un demi-siècle de règne, seules la déraison et la vanité peuvent expliquer le besoin d’un mandat additionnel ponctuant un échec patent.

En prenant de l’âge, certaines personnes se bonifient au gré des rencontres et expériences de la vie. Dans nos traditions bantoues, elles vont jusqu’à renforcer la frange des sages auxquels notre société accorde une place de respectabilité considérable. D’autres, malheureusement, régressent ou vieillissent mal.

Il est difficile de placer Sassou dans la frange des sages ou de prétendre qu’il régresse. L’on n’est donc pas loin de considérer que notre septuagénaire national est, peut-être, en train de très mal vieillir tout simplement. C’est ce qui pourrait expliquer, éventuellement, son entêtement incompréhensible face à la terre entière réunie, depuis Obama jusque dans sa propre famille en passant par François Hollande.

Cependant, il est du ressort de chaque peuple et selon sa temporalité, de trouver les ressources nécessaires capables de l’extraire du joug dictatorial qui l’étreint. Et en matière d’éviction des autocrates, nul ne détient la vérité. Toutefois, à une dictature, il convient d’y opposer la colère du peuple. Celle-ci a pour effet de solder les actes dictatoriaux et de procéder au démantèlement de ses redoutables ramifications susceptibles de redémarrer.

Ne jamais s’y méprendre : une dictature est très bien organisée. Même si elle arbore une ossature rustique, ses mécanismes de défense sont en général très sophistiqués. Quelles que soient ses apparences ou ses flexibilités de circonstance, une dictature, à l’instar du pouvoir de Brazzaville, demeure une machine à broyer.

Elle possède une capacité à se morceler et à se reconstituer, soudain, en une masse trompeusement informe. Elle est capable de se débarrasser d’une partie d’elle-même avant de se la réapproprier ou de coopter des nouveaux acteurs.

Ses codes de fonctionnement vouent son infanticide à la terreur qui constitue sa nature propre. Pour sa survie, un régime dictatorial peut aller jusqu’à abattre sa propre tête à l’instar du sort subi par le président Marien Ngouabi. Le climat politique actuel né du pseudo débat sur la réforme constitutionnelle est propice à la brutalité et au bégaiement de l’histoire.

Après avoir enfanté la Constitution en vigueur, le président congolais se voit cerner par les dispositions de sa propre loi fondamentale qui lui indique la fin de sa présence à la tête du pays. Sous serment, la gravité de la désinvolture du président Sassou, face à ce qu’il considère comme étant un vulgaire papier, constitue une haute trahison.

Les institutions étatiques ne sauraient constituer indéfiniment un nid de vipères et de voyous. La présidence de la république du Congo est une institution au service des populations et non un rempart pour caïd ou criminel quel qu’il soit. Visiblement, le Congo de Sassou est loin d’être une démocratie et encore moins une république tant les institutions sont piétinées, la chose publique bafouée et l’impunité érigée en mode gouvernement.

Il est affligeant de constater qu’aucune instance ne fonctionne correctement dans ce pays. Sans quoi, le président congolais, cité dans plusieurs affaires d’une extrême gravité, serait vraisemblablement déjà aux arrêts.

Lassée du désordre institué, la jeunesse exige, bien plus qu’un changement, la rupture avec ce système qui ne cesse d’arracher à ce riche pays des âmes pourtant promues à une vie décente.

Le folklore sur la réforme constitutionnelle voulue par le président effare les républicains tant les dirigeants congolais brillent par leur mépris aux institutions. Lequel mépris se caractérise par la non-considération des instances de régulation de la République. Nullement l’on a songé, par exemple, à impliquer le Conseil Constitutionnel, ne serait-ce que pour recueillir son avis et pour cause.

Le parlement congolais devant saisir cet organe est d’une composition, pour une large part, étrange : parents, enfants, neveux et nièces du clan Sassou ! Et les instances préconisées par la Constitution devant interpeler le président de la République, le cas échéant et comme nécessité s’en fait sentir actuellement, n’ont curieusement jamais été mises en place par le pouvoir en tant d’années d’exercice.

L’hostilité grandissante des partisans de l’ordre constitutionnel a contraint la volonté présidentielle à se cantonner dans la pénombre du non-dit. Mais il n’est de secret qui vaille dès lors que tout le monde le sait. La chronophagie du président étant légendaire et insatiable, l’homme joue la montre privant ainsi à l’opposition le précieux temps de l’action.

Le meeting de Pointe-Noire d’une opposition continuellement en rodage est resté désespérément sans suite tangible. La notion de la ligne rouge retenue au dialogue alternatif n’est-elle pas, au final, un frein aux initiatives d’envergure ?

Les transfuges venus du pouvoir rejoignant le bloc du NON ont eu pour effet, à ce jour, que de ralentir les ardeurs de l’opposition traditionnelle.

Pour les populations, il y a belles lurettes que Sassou avait franchi des lignes écarlates bien rougies par le sang et les larmes du peuple congolais.

Pendant ce temps, Christel Sassou, fils de son père, s’étant substitué à l’Etat, distribue des bourses d’études et des aides sociales issues des deniers publics. Il voltige de meetings en meetings. N’est-il pas déjà en campagne ?

Le scénario où le président, pressé comme une orange, déciderait au dernier moment d’appliquer « scrupuleusement » la Constitution en lançant dans l’arène un poulain pouvant être son fils pressenti ou un autre fils spirituel, est une donnée de taille, à ne point exclure. Elle pourrait  dynamiter l’opposition au regard de ses dernières alliances.

Pour l’instant, l’homme tue le temps afin de rendre le report des élections inévitables et que s’ouvre une période transitoire dans laquelle il jouerait toujours le rôle du président. Il aura ainsi atteint son objectif, celui de demeurer au pouvoir.

Sa stratégie d’endormissement consiste à botter constamment en touche pendant qu’il affute ses armes ; et dans le même temps, asperger l’opposition de glue par le biais des infiltrés et de quelques « nouveaux amis de l’opposition» afin de mieux la dompter, puis, sur fond de corruption, opérer un glissement de la cible que constitue sa personne propre vers d’autres préoccupations plutôt secondaires.

La rigueur des textes commande à ce que Sassou-Nguesso ne soit plus président au lendemain du 14 Août 2016 tellement qu’il doit au pays des réponses à de nombreuses énigmes et autres crimes tant économiques que ceux imprescriptibles de sang. Tout changement envisageable, devrait se faire sans Sassou.

Ce que l’opposition congolaise, passablement vaillante et quelque peu endormie, tarde à accomplir, le souverain premier, c’est-à-dire le peuple, pourrait le réaliser en usant de son droit le plus absolu de la désobéissance civique conformément à la Constitution.

Abraham Avellan WASSIAMA

BLOG COMMENTS POWERED BY DISQUS