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Sassou : trancher le nœud gordien

politique
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Paradoxalement, les institutions de la République sont en train de servir de rempart aux intérêts individuels et claniques d’un seul homme, qui fait en l’occurrence office de caïd. Cette perversion au grand jour est une insulte à la République. Elle souille notre dignité et nous replace dans les couloirs historiques étouffants de notre douloureuse période ante coloniale d’inspiration esclavagiste.

 

Tribune libre

Sous une dictature, la notion de liberté demeure toujours suspecte même chez les partisans et inconditionnels du pouvoir. Seul le temps dira si les dialogueurs de Sibiti, aussi affiliés au pouvoir qu’ils le sont, y étaient libres malgré tout.

En effet, après un demi-siècle d’exercice du pouvoir, il est étonnant que le PCT, parti au pouvoir, soit dans l’incapacité de présenter aux congolais un autre candidat que ce chef d’Etat usé n’ayant pour seul et unique projet que l’attente de la mort au trône. « Mourir au pouvoir » conçu comme principale visée politique est le plus bas et le plus égoïste des projets politiques sans relief qui soit.

Ce vide sidéral d’un projet politique creux révèle l’ampleur de la totale obséquiosité de ce parti, au service, non pas de la société, mais d’un homme qui incarne désormais la malédiction et la honte congolaises.

L’entêtement de ce dernier à briguer un mandat anticonstitutionnel supplémentaire hasardeux, en violant allègrement la loi fondamentale aux yeux du monde entier, entrainera également dans sa chute le PCT, qui lui aussi siphonne le pays depuis des décennies.

Dans la vie d’une nation, chaque jour compte. Et s’époumoner, à la veille des présidentielles, sur la Constitution, n’en finit point de bloquer le pays, lequel pays tournait déjà au ralenti. Cette stratégie procure au président la possibilité de jouer à la tortue.

Par ce biais, ce dernier espère se doter d’une carapace lui évitant le débat sur son bilan désastreux et calamiteux, d’un côté ; et une seconde carapace formant un bouclier contre les nombreux crimes dont ceux de sang, imprescriptibles, qui ont jalonné son règne dictatorial, de l’autre côté.

Paradoxalement, les institutions de la République sont en train de servir de rempart aux intérêts individuels et claniques d’un seul homme, qui fait en l’occurrence office de caïd.

Cette perversion à ciel ouvert est une insulte à la République. Elle souille notre dignité et nous replace dans les couloirs historiques étouffants de notre douloureuse période ante coloniale d’inspiration esclavagiste. Justement, c’est ce que refuse la jeunesse. Que n’aurions-nous pas dit si Sassou était un blanc régnant de la sorte sur le Congo ?

L’enjeu de l’impunité dans une Afrique essorée économiquement et en proie aux dictateurs est considérable. Le ton donné par le Sénégal, avec la tenue du procès Habré, trace le sillon d’une Afrique embrassant la raison et jugeant ses bourreaux. Cela constitue une avancée majeure en matière de justice en terre africaine régulièrement bafouée par trop d’adeptes d’antivaleurs.

Ce qui se joue à l’heure actuelle au Congo-Brazzaville, après le Burundi et avant le Cameroun, dépasse le cadre déjà important mais circonstancié des présidentielles. C’est bien d’une lutte de libération du joug dictatorial et d’une exigence d’évolution des mentalités dont il s’agit, loin des querelles ethniques. Un fléau bien répandu sur le continent.

Une purge précédée d’un audit sera nécessaire au Congo afin d’assainir les structures du pays qui entendent fonctionner avec les dignes fils et serviteurs dévoués de l’Etat.

L’espoir de la reconstruction de l’Etat compris au sens de la justice, de la fiscalité et du cadastre et par conséquent l’Etat de Droit, après tant de décennies de corruption et de gabegie, en clair l’après Sassou, est subordonné à la capacité des nouveaux dirigeants techniquement compétents et politiquement conscients chargés de restaurer l’autorité de l’Etat, et à la fierté des citoyens à travers la liberté retrouvée comparable à l’attitude patriotique qui a prévalu durant la période de transition post Conférence Nationale impulsée par André Milongo.

Refusant de passer la main, le président congolais, couvert de cendre, est donc au pied du mur. La multiplication de ses initiatives, à travers les pseudos sages et dialogueurs godillots, crée un dangereux nœud politique substitué opportunément à la place d’une simple application des textes en vigueur. En dépit de son illusoire sentiment d’invincibilité, la colère du peuple bien perceptible n’attend plus qu’un détonateur pour le balayer.

Ses partisans l’ont compris. Et un à un, ils quittent le navire. L’érosion observée actuellement dans les rangs du pouvoir s’amplifiera par des défections tactiques et   stratégiques au fil du renforcement de la crispation politique.

Dans ce pays où un président qui prétendait rêver les coups d’Etat et où deux de ses prédécesseur furent tués, où un respectable prélat fut assassiné, un président chassé pour trois sous, mourut en exil, comme le sera probablement le président Lissouba élu démocratiquement, la séquence Sassou longue comme une éternité s’inscrit dans la tragi-comédie congolaise.

En l’absence de clairvoyance au soir d’une carrière de dictateur, il est à craindre qu’on vive des mois crispants et le risque d’une fatale issue aussi brève que violente existe, au regard du ras-le-bol généralisé et palpable au sein de la population.

Dans un tel climat, il est à craindre que ceux qui doivent rendre des comptes ne puissent le faire.

Des vrais comptes sur l’état scandaleux de l’école au Congo : parfois plus de deux cents élèves par classe au primaire, assis à même le sol, faute de tables-bancs. A De vrais comptes sur la santé, sur l’insalubrité chronique dans les villes, sur les délestages électriques et les coupures d’eau…

De vrais comptes sur la mainmise du clan Nguesso sur l’économie du pays, sur les biens mal acquis, sur la rente et les dividendes du pétrole.

De vrais comptes sur… les comptes de la nation, sur la justice pour tous au Congo.

Abraham Avellan WASSIAMA