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Mokoko : désormais le « vingt » est tiré, il faut le boire

General Mokoko
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Si Sassou se réservait une promenade de santé à travers ses « élections » du vingt mars prochain, le Général Jean-Marie Michel Mokoko (J3M) lui trouble le sommeil. Quelque chose a semblé dissoner, sous le ciel orageux congolais. Entendre une rare parole rassurante affirmant le choix d’un général de l’armée du Congo de se mettre aux côtés du peuple en lutte pour sa liberté, constitue une prise de position osée face à la dictature, mais en phase avec l’esprit républicain.

Avec l’accueil musclé réservé à J3M à son arrivée à l’aéroport Maya-Maya, le pouvoir donne le ton, ô combien conforme sa nature dictatoriale. Pour l’occasion, l’opposition congolaise a désormais son soldat de liberté. Mon Général, maintenant que le « vingt » est tiré, il faut le boire.

La sauvagerie réservée à celui qui était encore il y a quelques jours un conseiller de Sassou, lui fait toucher du doigt ce que les congolais bannis par ce pouvoir endurent depuis des décennies. Être opposant à un régime dictatorial aussi féroce, spécialiste du mimétisme démocratique pour enfumer l’opinion, n’est pas une sinécure. Mais, rien de grand n’est facile et rien n’est plus imminent que l’impossible.

Orphelines des institutions protectrices des libertés et des vies humaines, les revendications sont fréquemment réprimées dans le sang, et ce, depuis le basculement de l’armée du peuple en une milice armée du pouvoir impliquant ipso facto la disparition de l’armée républicaine.

De nombreux signaux indiquant l’exaspération ainsi que la montée de la colère populaire, sont visibles dans le pays. Il y a longtemps, très longtemps même que les institutions du pays ont été saccagées et perverties. Pendant que l’eau ne coule plus dans les robinets, le sang continu de couler. Tout se passe par intimidation, par corruption et tout le monde se couche, en effet.

Alors, en se levant pour de vrai, J3M devrait bénéficier d’un large soutien d’une population aspirant au changement. Charge à lui de trouver les clés essentielles susceptibles d’imposer un rapport de force conséquent face à une dictature, seul langage compréhensible par elle. La complexité de l’équation congolaise exige, en effet, la présence dans l’échiquier d’hommes capables de porter le fer à ce régime.

Ne pas s’y méprendre, au Congo, le pouvoir est au bout du fusil, selon les partisans du régime. Ces derniers ont quadrillé le pays avec un macabre maillage leur permettant de dévorer les dignes fils. Au-delà des apparences, la situation est militaire, à tout point de vue. L’une des faiblesses que l’on pouvait relever à l’IDC et le FROCAD est celle de ne pas disposer, à minima, d’un commandement imposant un cadencement disciplinaire bien rythmé. C’est ce que devrait apporter le Général Mokoko.

Cela dit, c’est davantage le rejet de Sassou et son clan qui ne cessent de ravager le pays que l’on s’apprête à vivre que l’héroïsme de Mokoko ou l’éventuelle victoire de l’opposition officielle. Tous ont, à des degrés divers, leur part de responsabilité dans ce désastre. Gageons que Mokoko a bien compris que les populations aspirent non seulement au changement mais à une rupture totale avec le système infâme actuel. Revenir aux fondamentaux posés lors de Conférence Nationale Souveraine en 1991 est nécessaire afin de prendre possession des repères vitaux.

Quelquefois, il est bon de remettre l’église au milieu du village, comme il est aussi bon de repartir à la croisée des chemins lorsqu’on se trompe de direction. Et s’ils décident vous tuer, ils n’ont qu’à le faire … en vendant très cher votre peau, tout de même. La lutte qui est engagée vise surtout à sortir le pays de l’arbitraire. Le sol congolais est tellement saturé de morts injustes pour en accepter un de plus.

L’hypothèque posée sur l’avenir du pays par les épigones du « chemin d’avenir » ne cesse d’offusquer les progressistes. Sassou se balade avec les clés du pays sans projet d’avenir convaincant, sinon que celui de se confectionner une tenue scaphandre en guise de bouclier contre ses éventuelles péripéties judiciaires.

Si tout le monde, ou presque, s’accorde, sur le fait qu’il faut déposer ce pouvoir clanique aux relents dynastiques, il convient de ne pas se satisfaire de sa simple défaite. Mais il serait nécessaire d’associer à celle-ci, des garanties empêchant le retour arrière. Bien souvent, l’histoire bégaie. Ce pouvoir fut déjà écarté puis vomi. Mais il est revenu en hantant les lieux, au terme des guerres fratricides à répétions et par le fait d’une impréparation des forces du changement.

Le pouvoir sait qu’il n’organise pas des élections le 20 mars 2016. Il s’agit d’un simulacre visant la reconduction de Sassou. Alors, ceux qui y viennent exiger de la transparence et la liberté sont-ils hors sujet ? Ils brouillent, de fait, les plans du pouvoir. C’est pourquoi l’on peut s’attendre à un bras de fer. De toute évidence, se profile un combat de généraux : Sassou contre Mokoko qui, lui, n’est pas un homme de parti.

La stratégie d’encerclement mise au point par l’opposition, après avoir testé sans succès celle du boycott, est une trouvaille congolaise qui peut surprendre tant elle tranche avec l’idée d’une candidature unique capitalisant le maximum de voix possibles. Suggérée par les candidats venus du système, cette technique consiste à privilégier le fait d’entourer le commis chargé de la manœuvre et tricheur central par des multiples représentants des candidats devant officiellement valider les procès-verbaux. Exerçant une vigilance accrue, ces yeux et oreilles des candidats coalisés sont chargés de marquer à la culotte le renégat afin de le coincer et le « huer » à chaque fois qu’il tentera de commettre un impair visant à distordre le déroulement. Quid de la police et l’armée.

Notons par ailleurs que les considérations tribales bipolarisées en nord-sud, mises en avant et entretenues par le pouvoir tout au long de son règne, trouvent peu à peu leurs limites devant le désastre économique et social. Accentuant quotidiennement la misère, l’incapacité des dirigeants à offrir aux populations les services de base en eau et en électricité et l’échec de cette stratégie pourraient déboucher à un mouvement insurrectionnel d’une jeunesse désabusée.

Au fond, voilà une chance inouïe de développement que de disposer d’une population jeune dans sa globalité mais que l’on se prive en la maintenant volontairement dans l’oisiveté. En effet, au Congo, la moyenne d’âge est de 19 ans et les trois quarts de la population ont moins de 35 ans. Pratiquement tout le pays est dans la force de l’âge. Par conséquent, l’on dispose d’une première énergie vitale, celle des hommes. Et le pays est riche de son sol et sous-sol. Par une politique volontariste axée sur la lutte contre le sous-développement, l’on devrait radicalement changer la face de notre environnement tout en améliorant les conditions de vie des citoyens.

L’état de délabrement du système éducatif et celui du système de santé ayant transformé les hôpitaux en des mouroirs répugnants disqualifient le pouvoir qui mérite rendre les comptes au peuple, loin des diversions de publication d’une cassette vidéo qui pue et des manœuvres dilatoires. L’échec est patent.

Afin d’atténuer la honte que suscite une candidature d’un septuagénaire rivé au pouvoir depuis une quarantaine d’années et ayant compromis les chances d’émancipation de son pays, une forte compagne de propagande et de désinformation est menée dans les médias d’état.

La bataille s’annonce rude tant le régime se voit contrarier par la candidature de Mokoko qu’il considère téléguidée par la France. Il est contraint de revoir ses plans. Sa machine répressive s’active en multipliant les intimidations  et privation de liberté avec la corruption en lame de fond. Sous ce prisme déformant, le pouvoir de Brazzaville, fébrile, s’emploie à éliminer tout candidat susceptible de lui faire de l’ombre afin d’apparaître comme l’unique et « seul candidat du nord ». Sassou, le monde te regarde et le peuple te pointe du doigt, après 32 ans de pouvoir.

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