Bientôt Noël : la fête des Droits de l’Homme

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Noël est d’abord la fête de l’homme et de ses droits qui prennent ce jour-là, une dimension d’éternité.

Tribune libre

Ce 18 décembre, à une semaine des fêtes de Noël, les grandes villes du Congo sont en effervescence. Ceux qui ont des moyens financiers s’adonnent au plaisir d’acheter tout ce qu’il leur faut pour agrémenter la fête de Noël, qui est d’abord une fête religieuse, commémorant la naissance de Jésus à Bethléem, il y a plus de deux mille ans.

Mais l’on oublie que l’ENFANT-DIEU de Bethléem en a ras-le-bol de la bouffe, des cadeaux, du champagne, du caviar et du fric ; il n’est pas né pour en arriver là. C’est ce que je voudrais dire, à ma manière, moi qui ai choisi de passer Noël parmi les chômeurs, les diplômés sans emploi, les veuves, les orphelins, les retraités, bref parmi les exclus de la société, parmi tous ceux qui vivotent pour survivre et dont les lendemains incertains sont synonymes de misère et de pauvreté.

A cette occasion, je voudrais aussi rappeler que le chômage, la misère et la pauvreté sont insupportables. Ils portent atteinte à la dignité des citoyens en même temps qu’ils compromettent leur existence. Je mets en cause Sassou ‘’l’Homme de bonnes mœurs, aux mains pures, non tachées de sang, l’Homme des masses, l’Homme aux actions concrètes, le bâtisseur’’ qui est revenu au pouvoir, il ya 16 ans, sans coup férir et sans marcher sur les cadavres de ses compatriotes. Je mets aussi en cause les ministres, les députés, les sénateurs et tous ceux qui nous gouvernent avec lui, car c’est bien leur politique, leur manière de gouverner qui conduit quotidiennement à un tel gâchis.

Il est temps que soit rendu à Noël sa vérité et son actualité. Sa vérité, car si Dieu s’est fait homme comme l’annonce l’Evangile, Noël est d’abord la fête de l’homme et de ses droits qui prennent ce jour-là, une dimension d’éternité. Cette dimension est aussi évangélique puisque à travers l’annonce faite par l’Ange aux bergers de Bethléem, l’humain reçoit la Bonne Nouvelle qui affirme la reconnaissance de sa dignité, caractéristique de sa relation avec ce qui est intrinsèquement divin en lui. Son actualité, car Dieu sait si les droits de l’Homme et du Citoyen, solennellement déclarés en 1948, vivent aujourd’hui des temps incertains. Des hommes fuient leur pays au risque de leur mort parce que la vie est insupportable ou impossible chez eux. Ce sont les réfugiés politiques. Ils sont des milliers à travers le monde cherchant une terre d’asile, et pleurant leur pays perdu. D’autres qui n’ont eu ni la chance ni le temps de fuir, sont en prison, oubliés et souvent torturés.

L’exil et son angoisse, la prison et son horreur, atteignent l’homme au cœur de lui-même. On ne le dira jamais assez, comme l’on ne combattra jamais assez pour la liberté. Mais les droits de l’homme ne s’arrêtent pas là où finissent la prison ou l’exil. Ou plutôt il existe d’autres exils. Comme ceux de ces pères de famille congolais qu’un pouvoir irresponsable de prédateurs et de corrompus laisse affamés et sombrés dans la misère et dans la pauvreté. Ils sont exilés et exclus au Congo, dans leurs villages, dans leurs villes et dans leurs propres quartiers. Mes compatriotes qui marchent à la recherche d’un meilleur avenir où seront reconnus leurs droits au bonheur, à l’existence en même temps que leur dignité. Et que dire de la jeune fille qui dès 15 ans se prostitue ou du jeune garçon réduit à mendier, réduit au chômage avant même d’avoir travaillé et survivant grâce aux revenus maigres et aléatoires ?

Jamais de mémoire de Congolais, je n’ai jamais vu autant de détresse chez mes compatriotes. Ce qui me choque et m’amène à rédiger cet article, avec la conscience aigüe de ce décalage permanent entre l’idée qu’on peut se faire de la fête et du bonheur et la réalité d’une société trop dure pour tous ceux qui vivent dans ses marges. La conscience aussi du poids des mots pour répondre aux détresses plus vraies et plus inacceptables encore en ces temps du soi-disant ‘’Chemin d’Avenir ‘’ après celui de la soi-disant ‘’ Nouvelle Espérance’.

L’on a souvent parlé des goulags à l’époque stalinienne. Le plus grand goulag du monde est, selon moi, celui où sont enfermés les affamés et les « sans avenir ». Ils sont nombreux dans mon pays, le Congo, en quête de ce que les experts appellent la ligne de survie. On voit quotidiennement des femmes et des enfants pleurer pour obtenir un morceau de manioc et un verre d’eau potable qui leur permettraient de survivre un jour de plus. Pour eux, demain, tout recommencera comme hier ; quand donc fera-t-il jour pour eux ? Et quand fera-t-il jour pour ces jeunes des régions du sud du Congo, aujourd’hui âgés de 16 ans voire plus et qui n’ont jamais été à l’école à cause du coup d’état sanglant du 5 juin 1997 ? Et quand fera-t-il jour aussi pour tous ces milliers de jeunes qui s’assoient à même le sol dans des salles de classes bondées et sans tables ni bancs ?

Les droits de l’homme : oui, mais tous sans exception. Ceux-ci comprennent aussi le droit de rire et de dire publiquement ce qu’on pense, le droit de rire et de chanter, ainsi que le droit de travailler, de percevoir son salaire tous les mois, d’aller à l’école, d’être soigné lorsqu’on est malade et de se reposer, de jouir de sa retraite, de percevoir sa pension et d’abord de manger. Ces droits n’ont pas la moindre chance d’être respectés et garantis à tous, aussi longtemps que le Congo marchera la tête en bas, aussi longtemps que la richesse et le bonheur de quelques-uns seront nourris et assurés par la misère des autres. A quoi a servi de discourir hier sur la « Nouvelle Espérance » et à quoi sert aujourd’hui de discourir sur « le Chemin de l’Avenir » dont on espère secrètement qu’il sauvegardera les privilèges des nantis, des thuriféraires et des courtisans, alors qu’il s’agit de changer le Congo pour changer la vie, en acceptant les risques de ce choix ?

Voici le quinzième Noël que les Congolais fêteront avec Sassou II alias « le bâtisseur, l’Homme des actions concrètes ». Le deuxième Noël, celui de 1998 fut de triste mémoire ; c’est celui d’après le 18 décembre 1998 qui fut le plus sanglant voire le plus barbare où les milices Cobra et les mercenaires de M. Sassou excellèrent dans des violences gratuites et inouïes sur les habitants des quartiers sud de Brazzaville : sacs, pillages, destructions et incendies des maisons, massacres, incestes forcés et publics, viols et crémation à vif des êtres humains sans défense, soupçonnés d’être des « Ninjas » potentiels ou en herbe, appartenant pour la plupart aux ethnies du sud en général et à l’ethnie KONGO, en particulier.

Alors, quelle est aujourd’hui la signification de Noël pour la majorité des Congolais ? Il n’est pas un jour différent des autres. Pas de trêves pour les affamés, les malades, les brimés, les exclus, les retraités sans pension, les veuves oubliées et les orphelins du 18 décembre 1998 qui, comme d’autres dont tout bascula dans le tragique, et qui commémoreront le 15èmeanniversaire de la disparition de leurs époux et pères, leurs parents, connaissances et amis, tous tués dans les fameux couloirs dits humanitaires, ou tués et jetés carrément dans le fleuve Congo ou dans le Djoué où ils gisent sans sépulture. Pas de rêves non plus pour des diplômés sans emploi, des chômeurs désespérés qui devront se contenter du spectacle de l’opulence des hédonistes et de nouveaux riches dont les devises sont : « Ebonga ebonga te toujours meilleur ! » et « Le chien aboie, la caravane passe ! ».

Tous ces chants qui seront exécutés en cette fête de Noël dans les églises et les temples du Congo ne couvriront pas les cris de détresse qui montent du peuple, de nos quartiers, de nos villes et de nos villages, ni les larmes silencieuses des veuves, des orphelins du 18 décembre 1998, des pauvres avec leurs conjoints et leurs enfants, des vieillards solitaires, des retraités sans pensions régulières et des couples brisés par les atrocités gratuites du 18 décembre 1998 (que Sassou a qualifiées cyniquement et ironiquement de bavures policières.)

Néanmoins Noël, reste avant tout, une fête religieuse au cours de laquelle les chrétiens fêtent un grand événement : la naissance, pauvre parmi les pauvres, d’un Enfant-Dieu venu apporter aux hommes un message d’amour et de paix : « PAIX SUR LA TERRE AUX HOMMES DE BONNE VOLONTÉ ; IN TERRA PAX HOMINIBUS BONAE VOLUNTATIS ».Message si souvent déformé, confisqué, dénaturé par ceux-là même qui ont en charge de le défendre. Oh, l’exécrable collusion encore trop réelle entre l’Eglise et l’Argent - Jésus et Mammon !

Comment les évêques, les prêtres, les pasteurs, les « nouveaux prophètes » et les chrétiens, oublient-ils que cet enfant, dont ils fêtent la naissance, tous les 25 décembre, fut aussi cet homme en colère qui maniait le fouet pour chasser les marchands du temple ? Sans prophètes, l’Eglise tombe dans le cléricalisme, a dit récemment le Pape François. Il est temps que des voix s’élèvent au sein de l’Eglise et du conseil Œcuménique pour prophétiser en rappeler cette vérité-là : qu’il n’est pas de foi qui vaille qui ne se situe, par principe, du côté des faibles et des opprimés. Que la dévotion des riches et des puissants ne pèse guère, qui ignore les « Lazare Congolais » aux portes de leurs banquets.

Le seul message de Noël est commun à tous et invite «  les hommes de bonne volonté », qu’ils soient chrétiens, athées, agnostiques, qu’ils croient au ciel ou qu’ils n’y croient pas. Il est aussi ma raison d’être, moi qui ne me lasserais pas de le clamer, d’un Noël à l’autre, et tous les jours que Dieu fait :c’est l’exigence de la justice, de l’égalité, de la fraternité et de l’amour entre les hommes.Cette exigence qui devrait être au cœur de tous les Congolais, croyants et incroyants.

En ce 15èmeanniversaire du 18 décembre 1998, ayons une pensée particulière pour toutes ces victimes dont ‘’l’anniversaire’’ de leur départad patres, risque d’être ignoré et enfoui dans les oubliettes par ceux qui veulent en faire sciemment, non pas un jour de souvenir et de prières pour nos morts, mais un jour ordinaire ou d’agapes.

MESO MA NKOMBO.