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Sassou et son pouvoir punk

politique
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Y aurait-il une opération « Sassou Dégage » de grande envergure ? Nul ne le sait. Mais l’accumulation des frustrations et les humiliations incessantes sont des carburants attisant l’implosion d’un système déshumanisant.

Dans un mélimélo institutionnel qui s’apparente à une grave désinvolture, le pouvoir de Brazzaville navigue avec deux lois fondamentales qui sont ses propres textes. La superposition de deux Constitutions est une anomalie reflétant le degré zéro des dirigeants aussi bien que dans leur manière d’orienter la société que dans leur façon d’appréhender les affaires publiques.

Selon la Constitution de 2002, le 15 août 2016, Sassou ne sera plus Président. Quelle réponse forte adresser le 16 août 2016 au matin à un Sassou auto-proclamé toujours Président ? D’aucuns redoutent des convulsions dans le pays. La parenthèse qu’est en train d’ouvrir Sassou en déséquilibrant les institutions relève de la violence antirépublicaine affaiblissant la promesse d’un état stable.

A l’heure actuelle, on déplore un déploiement important des forces « publiques » dans la capitale du Congo et un absurde bombardement de la région de Pool. L’armée congolaise s’identifiant de plus en plus à une milice privée qu’à une force républicaine, se voit, progressivement, supplanter et humilier par une police corrompue et un groupe de mercenaires dont la mission essentielle consiste à assurer le maintien de Sassou au pouvoir, quoi qu’il en coûte.

Y aurait-il une opération « Sassou Dégage » de grande envergure ? Nul ne le sait. Mais l’accumulation des frustrations et les humiliations incessantes sont des carburants attisant l’implosion d’un système déshumanisant.

Depuis son accession à ce qu’il considère comme étant un trône démontrant l’hégémonie de son clan sur les supposés « réactionnaires sudistes », l’arbitraire est resté le fil conducteur du régime Sassou. La lassitude des populations après plus de 32 ans de règne sans partage ne coïncide point avec la satiété de ce personnage exempt de sagesse et de patriotisme mais gourmand comme jamais.

Hier, c’était aux individus à qui l’on collait une histoire au dos pour justifier leur expédition l’abattoir. Aujourd’hui, l’on est passé à l’échelle de toute une région : bannir à jamais la locomotive du Congo, le Pool, au nom d’une vision ségrégationniste issue des points cardinaux afin de conserver le pouvoir. C’est l’Etat punk.

 Selon les observateurs les plus avisés, un dispositif debout sur trois pieds orchestre ce désastre. Les renseignements généraux, les tenants de la ligne opportuniste et hégémonique du clan et le haut commandement de la police tenue par Jean-François Ndéngué, sans oublier Zéphirin Mboulou qui fait office de ministre de l’intérieur dont les méthodes sont similaires à celles de la Stasi. Tous sont aux manettes pour distordre la république et préempter le pays.

Cela passe par le bannissement des descendants de Tchimpa-Vita. C’est ainsi que le pouvoir de Brazzaville s’emploie à mâter le Pool qui pour eux commence à partir du CCF, le Centre Culturel Français devenu aujourd’hui l’Institut Français de Brazzaville.

Le clientélisme le plus bas se combine à la concussion conférant à ce pouvoir d’un autre âge le caractère bananier et répressif de type esclavagiste tant décrié. Au nom de quoi le travailleur congolais écope-t-il de plusieurs mois sans solde ? Autrefois, le bwana (colon) faisait courir dans les marécages les indigènes, rémunérés en monnaie de singe, et les abattait à l’aide de son fusil pour son plaisir. Aujourd’hui, c’est le pouvoir congolais, lui-même, qui se complait à bombarder, pour des motifs fallacieux, les paisibles citoyens du Pool afin d’assouvir son curieux « gout du sang ».

Rien d’étonnant car, à la lumière des pseudos élections du vingt mars dernier, il est planétairement connu que l’état congolais est une dictature des plus passéistes où la misère est entretenue voire cultivée afin d’assujettir les populations. A la tête de ce tableau hideux, s’accroche, depuis une quarantaine d’années, un régime passible, selon toute vraisemblance, de la cour pénale internationale.

Ecrasée dans le sang, l’opposition congolaise tente de se reconstituer non sans mal. Les réformistes du régime qui font leurs premiers pas dans les rangs de l’opposition, en occupant le devant de la scène, découvrent avec effroi, le cynisme et la virulence du régime qui les a façonnés. Des erreurs de communication et d’appréciation, peu ou prou excusables, s’ajoutant à leur filiation politique d’hier, rendent douteuse leur sincérité quant à leur engagement patriotique véritable.

En effet, il y a un an encore, ils étaient des membres éminents de la machine dictatoriale. C’est là, le hic. Des vrais opposants alertes et aguerris auraient saisi l’occasion et orienté les évènements en leur faveur dès le 17 septembre dernier, lors du méga meeting au boulevard Alfred Raoul. Et, Sassou le sait. C’est le jour où il a véritablement risqué la correctionnelle. Depuis, il est maître des initiatives et du calendrier. Ce qui constitue, hélas, un avantage stratégique certain. Cependant, tel un féticheur aveuglé par ses potions dont il dispose seul le secret, il n’est point à l’abri d’un impondérable.

Afin d’espérer reprendre l’initiative, tout en maintenant la pression sur les résultats truqués des pseudos élections présidentielles, l’opposition congolaise a tout intérêt à épouser des causes universellement défendables dont la substance réside dans la condamnation des bombardements du Pool. Prôner la justice et le vivre ensemble.

En effet, la paix, la liberté, la fin des humiliations, …, l’incertitude du lendemain sont au cœur des préoccupations des congolais. Le combat pour la liberté et la démocratie, et partant, celui de l’éviction de la dictature est multiforme. Un soulèvement dû une crise, quelle qu’elle soit, est capable d’emporter un régime. Par conséquent, l’opposition semble commettre une erreur de plus en restant unidirectionnelle, focalisée sur les seuls résultats d’un scrutin, il est vrai, truqué.

La question des dignités humaines bafouées dans le pays est essentielle quant à l’assentiment des populations tant la reconnaissance d’un individu en tant que personne touche à ce qu’il a en lui de plus profond, lui permettant de se dresser debout en toute circonstance. On ne mobilise que de moins en moins les gens étranglées par le quotidien, au travers les querelles électorales et à mesure que l’on s’éloigne des faits.

En revanche, on mobilise davantage les populations sur la base de leurs intérêts propres (salaires impayés et c’est le cas actuellement, libertés fondamentales confisquées et tutti quanti).

Pendant ce temps, les oubliés et bannis du régime luttent au quotidien pour leur survie et résistent avec dignité tant ils sont les cibles injustement désignées du pouvoir. Quoi de plus criard et insupportable qu’une situation interpellant même le Secrétaire Général de l’ONU, notamment la réalité des bombardements dans le Pool, ne soit réduite qu’à un seul mort au travers d’un rapport, disons-le, honteux !

Abraham Avellan WASSIAMA