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Biens mal acquis : la tirelire française du président du Congo

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D'après les enquêteurs, 9 M€ provenant directement de la… Direction du trésor de la République du Congo auraient transité sur les comptes de Franck Export entre 2005 et 2011. Une partie de ces fonds aurait directement profité au président du Congo et à son entourage.

" Le Parisien " (1/7)

L'enquête sur la fortune accumulée par le chef d'Etat du Congo-Brazzaville — et de deux autres pays africains — avance. Révélations sur des montages financiers très spéciaux

Depuis mars 2007, date à laquelle le scandale des « biens mal acquis » a éclaté, on avait beaucoup appris sur l'étendue de la fortune acquise par plusieurs dirigeants africains, soupçonnés d'avoir indûment puisé dans les richesses de leur pays. Depuis peu, au vu des documents exclusifs saisis lors de perquisitions et des procès-verbaux auxquels « le Parisien »-« Aujourd'hui en France » a eu accès, on commence à comprendre comment cette fortune a pu être accumulée.

En France, pays important pour le président du Congo-Brazzaville, Denis Sassou N'Guesso, tout tournait autour de Franck Export, une société basée à Orly (Val-de-Marne). Sur le papier, cette entreprise est spécialisée depuis 1996 dans le transport de marchandises entre la France et l'Afrique de l'Ouest. En coulisse, elle servait surtout de « tirelire » au président et à sa famille, pour leur constituer un patrimoine monumental et assurer leur train de vie. Voilà les résultats des investigations menées par deux juges d'instruction — Roger Le Loire et René Grouman — dans le cadre de cette enquête sur les biens mal acquis, qui cible le chef d'Etat congolais, ceux du Gabon et de la Guinée équatoriale et leurs proches, depuis 2010.

D'après les enquêteurs, 9 M€ provenant directement de la… Direction du trésor de la République du Congo auraient transité sur les comptes de Franck Export entre 2005 et 2011. Une partie de ces fonds aurait directement profité au président du Congo et à son entourage. Sur les comptes de cette société, d'autres mouvements financiers intriguent : le paiement de factures, pour plus de 2,5 M€, effectué par des entrepreneurs bien connus au Congo, Serge Mouyi et Fidèle Ondouo, toujours au profit du clan N'Guesso. Franck Export servait aussi quasiment de « guichet bancaire » pour les N'Guesso : ainsi, de 2005 à 2009, plus de 1,2 M€ ont été versés en espèces à des membres de la famille ou de proches. Interrogé en février 2013, Franco Cantafio, le patron de Franck Export, explique : « De par ma situation privilégiée avec la présidence du Congo, je suis amené à effectuer des achats dont je ne peux garantir ou attribuer le devenir. »

Les mouvements d'argent continuent après les plaintes

Les versements en liquide? « Il s'agit d'un service que j'ai facturé sur instruction de la présidence pour transférer de l'argent à certains membres de la famille Sassou, explique encore Cantafio. Ayant des fonds appartenant à la présidence, des factures me sont envoyées, que l'on me demande de régler. Je prends une commission de 100 € par opération. » Les éléments recueillis par les juges montrent que, bien après les premières plaintes sur les biens mal acquis, en 2007, le clan Sassou a continué d'utiliser à son profit l'argent public du Congo, via la société Franck Export. Franco Cantafio, lui, ne s'est jamais interrogé sur la provenance de ces fonds : « Je reçois des fonds provenant de telle structure, c'est tout. Je ne suis pas en mesure de vérifier quoi que ce soit. » Ses explications n'ont pas convaincu les magistrats qui l'ont mis en examen pour « complicité de blanchiment de détournement de fonds publics ». Contacté, l'avocat de Denis Sassou N'Guesso en France, Me Versini-Campinchi, « n'a pas souhaité faire de commentaires ».

©" Le Parisien " (1/7)

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France: déconvenue pour le Congo dans un litige financier au long cours

(AFP 30/06/16)

Plus de vingt années de litige, et ce n'est pas fini: la justice française a validé jeudi la saisie d'avoirs en France du Congo, un rebondissement de plus dans le conflit qui oppose Brazzaville à un homme d'affaires libanais, Mohsen Hojeij.

Pour la Cour d'appel de Paris, qui a suivi une décision rendue il y a un peu plus d'un an par la plus haute juridiction française, la Cour de Cassation, les saisies en 2011 d'avoirs du Congo placés à la Société Générale, sont "valables et régulières".

Ces saisies ont été pratiquées à la demande de la société de BTP Commisimpex, pilotée par M. Hojeij, pour recouvrer dans un premier temps près de 168 millions d'euros. La justice s'appuie sur une "renonciation" à son "immunité d'exécution" consentie en 1993 par le Congo, dont les avoirs en France auraient sans cela été protégés.

La décision de jeudi est un écueil de plus pour l'Etat congolais dans le litige qui l'oppose à Commisimpex, et que certains observateurs qualifient de "Ioukos à l'africaine", tant sa complexité rappelle le contentieux interminable autour de l'ancien numéro un du pétrole russe.

L'affaire remonte au début des années 80.

Mohsen Hojeij, issu d'une grande famille libanaise très présente en Afrique, dirige alors au Congo la société Commissions Import Export (Commisimpex). Proche du président Denis Sassou Nguesso, il obtient plusieurs contrats entre 1983 et 1986 : construction d'un pont, d'un village, plantation d'une palmeraie...

En 1986, les cours du brut s'effondrent et la situation économique du pays se détériore. Seule une petite partie de la facture est réglée par le gouvernement.

- Ioukos à l'africaine -

Depuis, M. Hojeij, brouillé avec Denis Sassou Nguesso - revenu au pouvoir par les armes en 1997 après cinq ans de présidence Lissouba - multiplie les recours en justice.

Par deux fois, en 2000 et 2013, il a obtenu gain de cause devant des tribunaux d'arbitrage, qui ont condamné le Congo à lui verser au total plus de 400 millions d'euros.

La somme n'a depuis cessé de gonfler: avec les intérêts, Commisimpex réclame désormais quelque 950 millions d'euros (ou un peu plus d'un milliard de dollars), à un pays dont le Produit intérieur brut était en 2015 d'un peu moins de 9 milliards de dollars.

Si ces condamnations sont définitives, le bras de fer est loin d'être fini. En France, par exemple, le Congo va une nouvelle fois tenter de faire annuler les saisies.

Pour son avocat, Me Kevin Grossmann, la fameuse "renonciation" ne tient pas, parce qu'elle ne détaille pas les avoirs concernés: "Qui en 1993, à Brazzaville où le document est signé, pouvait imaginer qu'un jour on saisirait les comptes de l'ambassade à Paris?".

L'avocat met aussi en garde contre les conséquences de la jurisprudence française pour les pays les plus fragiles, comme le Congo, ceux auxquels les investisseurs réclament ces fameuses "clauses de renonciation".

"Tous les créanciers des pays pauvres et endettés, y compris les fonds vautours, vont se précipiter sur les comptes des ambassades", prévient Me Grossmann.

"Dans la très grande majorité des cas, les Etats exécutent spontanément les décisions rendues contre eux", et les contentieux autour de ces clauses de renonciation sont "rarissimes", rétorque Me Jacques-Alexandre Genet, qui conseille Commisimpex.

De leur côté, les autorités congolaises ont contre-attaqué en réclamant à Commisimpex, déclarée en faillite en octobre 2012, une dette fiscale et sociale de quelque 1,3 milliard d'euros.

Les tribunaux français et américains rejettent cette liquidation mais en décembre 2014, le tribunal de Brazzaville ordonne la compensation entre les deux dettes.

S'en suit une situation juridique paradoxale: pour de nombreuses juridictions internationales, y compris les Etats-Unis qui lui réclament une liste d'actifs en vue d'éventuelles saisies, c'est l'Etat congolais qui doit de l'argent à Commisimpex. Au Congo, c'est le contraire.

Notre commentaire

Le Congo de Sassou est un vrai paradis pour certains avocats du dictateur. Transiger ? Pas question ! Multiplions les procédures jusqu'à plus soif, d'autant que le dictateur, riche aux as avec l'argent des congolais, l'exige  !