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Lettre à Denis Sassou-Nguesso et à ses alliés : « Nous ne sommes pas tous Néron » par Dieudonné Niangouna

politique
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Je dis : « Frères, il nous faut sortir de la peur et de la médiocre conception de la mort qui n'est que l'émission d'une terreur qui avait été mise en place par une politique de non-respect de droits de citoyen pour tuer la pensée ». Refusons cet éloge de la servitude volontaire. N'ayons pas l'âme aussi faible pour nous faire acheter avec de l'argent. Nous ne sommes pas du bétail. C'est fini, la traite négrière. Nous ne pouvons accepter une fois de plus de continuer à nous vendre entre nous et à nous faire acheter pour de l'argent ! À tuer notre peuple et notre avenir pour de l'argent. 

Dieudonné Niangouna est auteur, metteur en scène, comédien, directeur du Festival International de Théâtre Mantsina sur scène à Brazzaville, Chevalier des Arts et des Lettres Français, Grand Prix des Arts et des Lettres du Congo Brazzaville.

Courageux, il vient d’écrire une lettre ouverte à sassou, lequel vient de promulguer une nouvelle constitution, tout en se maintenant au pouvoir grâce à l’ancienne constitution abrogée (le pays a donc deux constitutions, de son point de vue), le tout  dans le but de mourir au pouvoir...

A lire.

Monsieur le Président, je m'insurge. Ne pas s'insurger serait cautionner la grande tragédie qui se prépare et à laquelle personne d'entre nous n'échappera à moins d'en être le bourreau. Ce n'est plus seulement un simple exercice du laisser-aller que traverse actuellement le Congo. C'est la mort du sens qui commence. L'esclavage du peuple congolais à l'état d'effacement total. Monsieur le Président, vous voulez effacer la personnalité du peuple. Et cette disparition morale est l'ultime opération qui provoquera votre ascension vers les rouages de la déification, pensez-vous. Des choses ont été commises et toutes les impossibilités existent sur la terre. Notre devoir en tant que citoyen est d'empêcher toute forme d'autocratie qui signe la mort du genre qui respire. Il ne peut être concevable que toute une génération soit prise en otage par la gabegie, et que, de ce système de « zombification », l'on puisse dénoter un insolent torrent de vertiges, mécanique d'un manège de destruction politique des avenirs, sans que la colère venue du peuple ne questionne nos rapports à l'autorité, à la diplomatie, aux amis et aux amitiés, à la violence, à l'altérité, à la vie elle-même telle qu'elle passe avec ou sans nous, à la mort qui manifestement prend la forme de la peur pour nous rétracter. Nous sommes les « pas contents ! ». Nous disons SASSOUFIT !

Monsieur le Président, en juillet dernier, devant des milliers de Congolais réunis au stade Félix Eboué pour célébrer l'ouverture du Festival Panafricain de Musique (FESPAM), vous m'aviez reçu en m'accordant le Grand Prix des Arts et des Lettres en présence de toutes les chaînes de télévision congolaises. Ce prix je l'ai mérité, par mon entêtement à faire du théâtre un espace du débat social, un lieu de résistance contre toutes formes de léthargie et de politique d'endormissement. C'est pour ce même combat que, quelques jours avant, le 14 Juillet, la France me faisait Chevalier des Arts et des Lettres dans le jardin de la Case de Gaulle. Ce que je combats, avec et par le théâtre, m'oblige comme hier à m'insurger contre cette politique que vous tenez tant à faire persister.

Quels citoyens sommes-nous si nous sommes incapables de défendre des valeurs en lesquelles nous croyons et qui garantissent la souveraineté du peuple et son bien-être. Maintenant, je m'en vais m'adresser au peuple, de quelque horizon que soient les personnes qui composent cette force humaine. Et je dis : « Frères, il nous faut sortir de la peur et de la médiocre conception de la mort qui n'est que l'émission d'une terreur qui avait été mise en place par une politique de non-respect de droits de citoyen pour tuer la pensée ». Refusons cet éloge de la servitude volontaire. N'ayons pas l'âme aussi faible pour nous faire acheter avec de l'argent. Nous ne sommes pas du bétail. C'est fini, la traite négrière. Nous ne pouvons accepter une fois de plus de continuer à nous vendre entre nous et à nous faire acheter pour de l'argent ! À tuer notre peuple et notre avenir pour de l'argent. Montrons aux yeux du monde que nous valons plus que ça ! Que nous sommes des personnes - Nous sommes des BANTOUS ! -, que nous sommes au-dessus de la conception « prostitutionnelle » de l'argent ! Nous ne pouvons quand même pas vendre le pays à la corruption, par la corruption, pour la corruption, en échange de trois deniers.

Ne massacrons pas notre avenir. Ne bradons pas notre existence. Ne spolions pas le destin de nos enfants. Ne prostituons pas le pays ! Il ne peut pas être acceptable que des mascarades d'élections puissent au nom de toutes les corruptions possibles obstruer la voie (et la voix) à la raison, et qu'ensemble nous puissions rester pantois face à ce simulacre désobligeant ! Nous ne sommes pas tous des Néron pour contempler Rome en train de brûler, avec le visage empli d'extase. Nous ne sommes pas venus sur terre pour faire l'apologie de la violence de l'argent ni de celle des armes avec son terrorisme apocalyptique. Nous ne voulons pas la guerre comme nous ne voulons pas que les pouvoirs nationaux ou internationaux continuent à signer l'acte de décès de notre nation pour des intérêts, pour de l'argent couvert de sang ! Respectez-vous ! Respectez-nous ! Respectons-nous ! Peuple congolais, commence par te respecter toi-même ! Ça ne se monnaie pas l'intégrité ! Nous ne pouvons pas laisser vivre le Congo dans cet état honteux des choses ! Ce combat nous concerne tous, Congolais, Africains, Européens, Américains, Asiatiques, Australiens, à l'ère de la mondialisation, car les conséquences des choix économiques, politiques et culturels fondés sur la terreur et le non-respect des lois, nous les vivons tous. C'est bien malheureusement ce qui caractérise aujourd'hui les grandes crises que traverse le monde et que les sept milliards de voisins que nous sommes, subissons ! Prenons tous nos responsabilités face à l'Histoire. Le grand poète congolais Sony Labou Tansi disait : « Nous venons au monde pour nommer. Gare à celui qui nommera sa honte ou sa propre perte ! »  Monsieur le Président, je vous ai parlé en parlant au peuple car on ne peut être premier citoyen que par le peuple et pour le peuple. Et le peuple a son dernier mot : SASSOUFIT !

Dieudonné Niangouna est auteur, metteur en scène, comédien.

Directeur du Festival International de Théâtre Mantsina sur scène à Brazzaville. Chevalier des Arts et des Lettres Français. Grand Prix des Arts et des Lettres du Congo Brazzaville.


Festival « Mantsina sur scène », du 10 au 30 décembre, à Brazzaville et à Pointe Noire.