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Déclaration de l'opposition congolaise

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Déclaration de l’opposition Congolaise

Brazzaville 5 juillet 2015

Depuis 2009, l’opposition congolaise invite de façon récurrente le président de la République à convoquer un vrai dialogue politique national, rassemblant toutes les forces politiques du pays, pour sortir de la crise globale qui plombe le Congo depuis son retour au pouvoir en 1997 et qui risque à terme d’embraser le pays. Le président de la République a toujours rejeté obstinément cette proposition de bon sens. Aujourd’hui, sous la pression de  divers facteurs internes et externes, il vient enfin de faire droit au bon sens, en convoquant le dialogue tant attendu. Nous prenons acte de cette initiative. Cependant, une analyse approfondie du message à la nation du chef de l’Etat et des décrets présidentiels n° 2105- 658 portant création, attributions et organisation du dialogue national ; n° 2015- 659 portant création, attributions et organisation  de la commission préparatoire et n°2015-660 portant nomination   des membres de la commission préparatoire du dialogue national, nous donne à constater que le chemin du dialogue est encore semé de beaucoup d’embûches. La  date et la durée du dialogue, le thème, la commission préparatoire et les objectifs assignés au dialogue, sont révélateurs à cet égard.

1-      De la date et de la durée du dialogue

Dans son discours à la nation, le chef de l’Etat a déclaré entre autres : « j’ai aussi arrêté que le dialogue national aura lieu du 11 au 15 juillet 2015 ». En ne prévoyant que 4 jours pour traiter des questions capitales comme celles inscrites à l’ordre du jour, questions qui engagent l’avenir du pays, le président de la République ne crée pas les conditions optimales du succès du dialogue. Les délais fixés par lui sont trop courts au regard de l’extrême  importance des enjeux politiques et des questions à traiter qui requièrent des réflexions très approfondies et qui nécessitent donc un temps relativement long. La réflexion intellectuelle et le travail bien fait ont besoin de la durée et ont horreur de la précipitation et de la superficialité. Le Collectif des Partis de l’Opposition congolaise estime qu’il est impératif d’accorder à la classe politique le temps suffisant pour lui permettre de conduire des réflexions profondes et neuves sur les questions à examiner. Dans cette perspective, il serait de bonne politique de décaler la date du dialogue.

2-      Du thème du dialogue

Si le principe de la convocation par le président de la République du dialogue  politique national va dans la bonne direction, par contre, le chef de l’Etat, après avoir longtemps tourné autour du pot, en est venu à inscrire d’autorité dans l’ordre du jour, la lancinante question du changement de Constitution que la majorité des Congolais rejette catégoriquement, et ce, malgré les moyens colossaux déployés pour acheter  les consciences fragiles, embrigader les esprits faibles, intimider les populations. L’objectif du président de la République est d’imposer au peuple et à l’opposition son projet de référendum constitutionnel

Que signifie en effet, le deuxième thème proposé à l’ordre du jour du dialogue, à savoir : « Fait-on, oui ou non, évoluer les institutions de la République ? Si c’est oui, dans quel sens souhaite-t-on les faire évoluer ? Et si c’est non, pourquoi ? »

En réponse à cette interrogation, il sied d’indiquer que sur le plan juridique, la Constitution de 2002 ne peut évoluer que dans deux directions : soit, dans le sens de la révision ; soit, dans celui de l’abrogation.

S’agissant de la révision, la Constitution de 2002 contient un titre 18 qui porte sur la révision et qui précise quelles sont les instances habilitées à initier la révision des articles non verrouillés et quelles sont les matières exclues du champ de la révision constitutionnelle. Elle autorise en son article 86, le président de la République à organiser un référendum,  pour réviser des articles dont les matières ne sont pas exclues du champ de la révision.

Par exemple, si le président de la République veut se donner le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale ou s’il veut lui donner plus de pouvoir, il lui suffit simplement de réviser l’article 114 qui dispose : « le président de la République ne peut dissoudre l’Assemblée nationale. L’Assemblé nationale ne peut démettre le président de la République ». Il n’a pas besoin de changer de Constitution pour obtenir ce résultat. De même, s’il veut supprimer la limitation de l’âge pour être autorisé à être candidat à l’élection présidentielle, il lui suffit de réviser l’article 58 qui n’est pas un article verrouillé.  L’âge n’est pas une matière exclue du champ de la révision. Si le président de la République veut avoir un premier ministre, il lui suffit de réviser l’article 74 qui dispose : « Le Président de la République nomme les ministres qui ne sont responsables que devant lui. Il met fin à leurs fonctions. Il fixe, par décret, les attributions de chaque ministre. Il peut déléguer une partie de ses pouvoirs à un ministre ».

S’agissant de l’abrogation, nous l’avons dit, écrit et répété : si la Constitution congolaise de 2002 contient des dispositions relatives à sa révision, elle ne prévoit rien pour son changement. Dans ces conditions, si l’on veut comme le président de la République s’emploie à le faire, promouvoir une nouvelle Constitution, il faut d’abord commencer par abroger celle de 2002, actuellement en vigueur, car, dans le domaine du droit, une disposition qui n’est pas abrogée demeure valable. Or, toute abrogation de la Constitution de 2002 entraîne automatiquement la dissolution de toutes les institutions constitutionnelles actuelles. Prétendre comme le fait le pouvoir, qu’on peut promouvoir une nouvelle Constitution en jetant purement et simplement la Constitution en vigueur à la poubelle, c’est commettre un coup d’état constitutionnel.

Ainsi donc, la question posée par le président de la République dans le second thème du dialogue est sans objet, car, d’une part, le chef d’Etat n’a pas besoin d’organiser un dialogue pour réviser des articles non verrouillés de la Constitution, d’autre part, la Constitution actuelle ne reconnait aucune prérogative (article 86) au président de la République ou au Parlement, pour organiser un référendum sur le changement de Constitution. Maintenir le point sur la réforme des institutions de la République, c’est faire du dialogue un référendum déguisé sur la question suivante : « souhaitez-vous oui ou non que la Constitution de 2002 soit changée ? ». Du reste, le décret n°2015-658 suscité, qui prévoit à l’ordre du jour, « la réforme de institutions » entendez, le changement ou non de la Constitution de 2002, est très clair à ce sujet.

Par ailleurs, le message du président de la République évacue de l’ordre du jour la question cruciale des urgences sociales, c’est-à-dire ce que le chef de l’Etat lui-même a appelé « les  préoccupations quotidiennes et permanentes des populations », pourtant soulevées, à l’entendre, lors des consultations. Comment comprendre dès lors qu’il n’ait pas  cru nécessaire d’inscrire dans l’ordre du jour ces questions relatives au vécu quotidien des populations pour ne se focaliser que sur l’évolution des institutions ? Comment comprendre qu’il ait exclu de l’ordre du jour, les problèmes liés à la crise multiforme et multidimensionnelle que connait le pays : la question nationale, la réconciliation nationale et la gouvernance parfois décriée par lui-même, mais jamais résolue ?

Lire la déclaration en totalité